Abdelaziz Ramdane empoigne avec la vigueur de sa passion hommes, femmes, enfants, arbres... Dans une réalité plus âpre que la réalité. Ses personnages, à la fois courbés et magnifiés, sont cernés dans leur grandeur et leur misère. Ils quittent peu à peu leur existence réelle. Peu à peu, ils cessent d'appartenir à eux-mêmes pour entrer dans une danse où les objets participent comme des fagots jetés au feu dans «l'incendie de la pensée». La découverte Abdelaziz Ramdane est né le 4 mars 1932 à Ben Malek (Skikda), ville qu'il ne quittera que pour des voyages. C'est à partir de l'âge de douze ans qu'il commence à s'intéresser avec passion à la peinture. Les conditions de l'époque ne lui permettaient pas d'aller à l'école des beaux-arts, alors il dessinait sur le sol et sur les murs. C'est surtout au contact de la nature qu'il se forge dans cet art et le développe à partir de 1956. Etant en voyage en France, il découvre, dans les musées, des œuvres de Van Gogh,Gauguin, Rembrandt et des impressionnistes tels que Monet, Manet, Cézanne, Renoir… Les œuvres de ces maîtres lui donnent en sorte l'élan pour un long parcours artistique. La peinture, un instrument de guerre Son internement dans les prisons de Douéra, Tifechoun et Serkadji lui permet d'observer profondément la souffrance, et il restera à jamais marqué par la torture de la longue détention. Ce n'est qu'à partir de 1962 avec l'indépendance de l'Algérie qu'il reprend réellement confiance en lui-même. Il réalise alors les nouvelles armoiries de la ville de Skikda et de Annaba et obtient le deuxième prix de la ville de Constantine. «Je ne cherche pas l'effet, tout est concentré sur les visages que je peins. Pour moi, un tableau est quelquefois un SOS», disait- il à ses amis qui voulaient comprendre sa peinture. C'est aussi comme l'aurait dit Pablo Picasso : la peinture n'est pas faite pour décorer les appartements, c'est un instrument de guerre offensive et défensive contre l'ennemi. Expositions en Algérie et à l'étranger Abdelaziz Ramdane a exposé dans différentes régions du pays et à l'étranger, notamment en Espagne, en Allemagne, en Chine et en Egypte. En 1971, lors d'un voyage d'étude à Rome, il découvre la sculpture sur marbre, la peinture de Léonard de Vinci et de Michel-Ange. Une fois revenu en Algérie, il élabore quelques plans dans le domaine du gigantisme. Il crée alors La condition humaine, inspirée du livre de Malraux, suivie d'autres fresques : La confusion du tiers-monde et La Machine infernale. Les dernières années, cet artiste -peintre a entrepris d'autres recherches dans l'art de la filo-picturale, par rapport à celle qui existe déjà en Europe. Il s'agit là de la présentation d'un tableau de peinture par le fil tendu qu'il diversifie dans son ensemble par des modèles créés, en mettant ainsi en relief des personnages aux habits traditionnels hautement colorés, le tout représenté par un manuel de filmographie qui devrait être imprimé. Ce travail a été exposé en 1984 à Alger. Une vie passionnelle Cet artiste a été aussi directeur de l'école communale des beaux-arts de Skikda depuis sa création en 1979.Notre regard sur la peinture de Ramdane nous laisse dire qu'elle est inspirée des profondeurs obscures. Tant de force ne peut sans doute jaillir que d'un abîme de sensualité et de tourments. Elle est peut-être liée à sa vie passionnelle, pleine de tragédies silencieuses ou brutales d'un inépuisable désir. Abdelaziz Ramdane est décédé le 27 janvier 2007, des suites d'une longue maladie.