Elu dimanche troisième président de la république tunisienne, Beji Caid Essebsi est un vétéran de la vie politique en Tunisie et figure du Bourguibisme pour avoir été le ministre de l'Intérieur, de la Défense et des Affaires étrangères du président Habib Bourguiba. Agé, aujourd'hui, de 88 ans, Béji Caid Essebsi, avocat de formation, a croisé la vie politique dans le creuset du parti néo-destour de feu Bourguiba auprès de qui il fera ses premières classes, d'abord en tant que conseiller au lendemain de l'indépendance du pays avant de faire partie de ses gouvernements successifs qui le mèneront à différents ministères régaliens, preuve d'estime et de confiance que lui portait feu Bourguiba. Décrit comme libéral et moderniste pour avoir subi directement l'influence de Bourguiba, Béji Caid Essebsi est resté, selon des politologues tunisiens, fortement imprégné de la démarche de son président et s'est, parfois même, fait le chantre d'un libéralisme plus prononcé que celui souhaité par Habib Bourguiba. Sa carrière fut un mélange de politique et de diplomatie pour avoir été également ambassadeur de son pays aux Etats-Unis en 1969, en France en 1970 et en Allemagne en 1986. Il connut quelques frictions avec son premier parti, le néo-destour ce qui lui a valu d'être exclu de cette formation pour ne revenir à la vie partisane qu'en 1987 pour adhérer au Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) du président déchu, Zine El abidine Ben Ali. Tour à tour, député puis président de la chambre jusqu'à 1991, il décide de prendre ses distances avec le pouvoir de Ben Ali et observe un recul de prés de vingt années au cours desquelles il scruta la vie politique sans jamais avoir à renoncer avec son idéal de jeune militant néo-destourien de voir son pays prendre le chemin de la liberté, tel que prôné par Bourguiba. Dans le sillage des bouleversements produits dans la région conséquemment à ce qui a été appelé "Printemps arabe", Béji Caid Essebsi revient au devant de la scène pour diriger le premier gouvernement de la transition et réussit la gageure d'organiser l'élection de la Constituante. Homme de réseaux, il sortit son capital crédit et ira auprès des partenaires de la Tunisie solliciter de l'aide pour stabiliser une économie délabrée, remettre en selle une vie politique dominée par les islamistes d'Ennahda et surtout sensibiliser face aux menaces terroristes qui se faisaient de plus en plus fortes, culminant avec l'assassinat de soldats, d'intellectuels et d'hommes politiques. La nouvelle configuration politique avec la mise en place de la troïka le tiendra éloigné de l'exécutif dès fin 2011 pour se consacrer à la formation de son parti Nidaa Tounès, un parti séculier, sorte de patchwork entre hommes d'affaires, membres de l'ancien RCD, d'anti-islamistes, en somme un savant dosage entre vieux et jeunes, entre gauche et droite et entre Islam et séculier, selon nombre d'observateurs. Homme d'expérience qui se veut rassembleur Politique au long cours, il mit toute son expérience à rassembler au tour de son nouveau parti avec qui il réussit à gagner les premières élections législatives, damant le pion au parti Ennahda qui perd beaucoup de son influence à l'exercice du pouvoir entre 2011 et 2014. Se présentant comme la seule alternative au mouvement islamiste et choisissant l'argumentaire sécuritaire ainsi que la défense d'un islam tel que vécu par ses ancêtres, il va ratisser plus large et engrange de nouvelle dividendes politiques avec la constitution d'un large front anti-Ennahda, poussant ce dernier à la "neutralité" dans sa bataille pour la présidentielle avec Moncef Marzouki. Avec son élection sur un score dépassant de loin son rival et la majorité de sièges obtenus à la chambre avec le concours d'autres formations hors Ennahda, Béji Caid Essebssi devrait avoir les coudées franches pour présider aux destinées de la deuxième république mais surtout relancer une économie en difficulté, consolider les espaces de liberté gagnés pendant la "Révolution du jasmin" et lutter contre la menace terroriste.