Le Printemps arabe n'a pas tenu ses promesses, estiment certains spécialistes qui en veulent pour preuve récente la victoire aux présidentielle tunisienne de Nidaa Tounès, dirigé par un ponte du Bourguibisme qui a aussi présidé le sinistre Parlement de Ben Ali. Trois ans après son mouvement insurrectionnel, la Tunisie fait un bond en arrière. La victoire d'Essebsi vient confirmer le rejet de l'islamisme, le retour à l'autoritarisme et l'échec du printemps arabe. Les adversaires du printemps arabe doivent-ils se réjouir de la relative victoire des revenants du PSD de Bourguiba et du RCD de Ben Ali? Beji Caïd Essebsi, le nouveau président de la Tunisie vient certes de fêter ses 88 ans, mais c'est aussi parce qu'il a un âge aussi avancé qu'il a été élu. Tout au long de la campagne, l'homme a ainsi pu se poser en rassembleur, surjouer la carte du « Vieux Sage », un rien protecteur et surtout garant de l'Histoire du pays. Beji Caïd Essebsi a servi sous Habib Bourguiba comme ministre de l'Intérieur, de la Défense et des Affaires étrangères. Nul autre que lui n'aime se référer à la « pensée visionnaire » de Habib Bourguiba qui, bien qu'ayant mis la Tunisie sur les rails de la modernité, n'en a pas moins exercé un pouvoir autoritaire, écartant toute critique. Beji Caïd Essebsi a également approché de près le régime de Zine El-Abidine Ben Ali comme président du Parlement (1990-1991). Il est surtout revenu sous les projecteurs en devenant, en février 2011, Premier ministre provisoire. C'était un mois après la chute de Ben Ali. Avocat de formation « il a pour lui d'avoir réussi, en mars 2011, en plein conflit entre le passé et le présent, à relégitimer ce passé en faisant appel aux bourguibiens » explique Khadija Mohsen Finan, chercheur à l'IRIS. Son parti, Nidaa Tounès , est certes qualifié de formation « fourre tout » par ses détracteurs, essentiellement parce qu'il accueille en son sein des opinions de tous bords, des hommes d'affaires, des intellectuels, des syndicalistes, comme des militants de gauche ou des proches de l'ancien régime. Mais leur dénominateur commun, qui en a fait la marque de Nidaa Tounès, c'est leur opposition aux islamistes d'Ennahdha. « Nous voulons un Etat du XXIème siècle, un Etat de progrès. Ce qui nous différencie de ces gens là, ce sont 14 siècles » aimait répéter pendant ses meetings le nouveau président non sans un certain dédain à l'encontre de la formation qu'il combattait. Longue histoire Ce père de quatre enfants qui n'hésite pas à mettre en avant le « prestige de l'Etat », ruiné selon lui par son ancien adversaire Moncef Marzouki, va pourtant devoir à présent composer avec la deuxième formation politique du pays, précisément les islamistes d'Ennahdha. C'est à lui qu'il revient à présent « d'inscrire la nouvelle étape qui s'ouvre pour la Tunisie dans sa longue histoire» , résume Khadija Mohsen Fina. Vainqueur des législatives, puis de la présidentielle, Nidaa Tounes a les pleins pouvoirs pour faire évoluer la Tunisie avec comme seule certitude, que Beji Caïd Essebsi, ne s'incrustera pas dans le paysage politique. Du fait de son âge. Choisir Essebsi pour éviter le chaos Le Printemps arabe n'a pas tenu ses promesses en Tunisie, car loin du discours populiste la Tunisie doit voir les choses en face, une main terroriste qui semble vouloir forcer la porte du pays sous la couverture d'un printemps arabe bis, ne peut que confirmer la fragilité de ce pays qui a tant souffert. En effet, face à la maigre récolte du printemps arabe, et la menace djihadistes, la Tunisie reste le dernier espoir d'une transition démocratique réussie. Elle a tout intérêt, comme ses soutiens, à confirmer son exception, selon les spécialistes. Choisir un président vétéran âgé de 88 ans comme, Caïd Essebsi, qui a servi Bourguiba comme Ben Ali avant de devenir Premier ministre après la révolution, est un choix forcé pour éviter le chaos libyen, sachant que ce dernier s'est posé en homme providentiel, seul à même de réparer les dégâts causés par les islamistes d'Ennahda. D'autant que quelques jours avant le scrutin, la Tunisie a vu ressurgir l'hydre jihadiste, des combattants tunisiens du groupe Etat islamique sévissant en Irak et en Syrie ayant revendiqué les assassinats des personnalités anti-islamistes Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi en 2013. Ces crimes avaient plongé la Tunisie dans une crise politique profonde et conduit Ennahda à laisser le pouvoir début 2014 à un gouvernement apolitique. Ces jihadistes ont aussi appelé les Tunisiens à rejoindre leur organisation et appelé au boycott du dernier scrutin. Notons que dans la nuit du scrutin une unité a été attaquée par un "groupe armé" devant une école de la région de Kairouan (160 km au sud de Tunis) où du matériel destiné aux élections était stocké, mais les autorités se sont refusées à évoquer la piste jihadiste. Un assaillant a été tué et trois autres arrêtés, selon le ministère de la Défense. L'incident intervient quelques jours après que des combattants tunisiens ayant rejoint le groupe Etat islamique ont revendiqué les assassinats des personnalités anti-islamistes Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi en 2013, qui avaient plongé la Tunisie dans une crise politique profonde. Mais, la rue s'agite toujours Une partie de la population tunisienne considère qu'une victoire de Béji Caïd Essebsi, qui fut président de l'Assemblée nationale entre 1990 et 1991, marquerait un retour au pouvoir des membres de l'ancien régime de Zine ben Ali chassé par des manifestations de rue début 2011.M. Mais , Essebsi rejette les critiques le peignant comme le candidat de l'époque Ben Ali et affirme qu'il est le technocrate dont le pays a besoin après trois années d'un gouvernement conduit par une coalition dominée par les islamistes. Rappelons que la police tunisienne a auparavant tiré des gaz lacrymogènes pour disperser des groupes de jeunes qui bloquaient des rues à Hamma, ville du sud du pays, en signe de protestation contre la victoire à l'élection présidentielle déjà revendiquée par Béji Caïd Essebsi."Des centaines de jeunes, mécontents de l'annonce faite par Essebsi de sa victoire, ont brûlé des pneus dans les rues de la ville et la police a procédé à des tirs de gaz lacrymogène et interpellé plusieurs d'entre eux", a témoigné Ammar Giloufi, un habitant de Hamma."Tous les magasins sont fermés. Ils chantent 'Non à l'ancien régime'", a-t-il ajouté. Selon un autre habitant, les protestataires ont tenté de s'en prendre à un commissariat de police mais ils ont été repoussés par des tirs de gaz lacrymogène.