En 2014, le conflit en Libye est entré dans une phase critique en dépit d'intenses efforts de paix régionaux et internationaux, l'anarchie institutionnelle et les combats entre milices rivales ayant plongé le pays dans la confusion la plus totale. Les violences post-révolte ont été aussi meurtrières que celles ayant suivi la chute de Maamar El-Gueddafi fin 2011, les autorités de transition n'ayant toujours pas réussi à former de nouvelles armée et police professionnelles s'appuyant plutôt sur des milices qui leur sont loyales par moments mais qui se retournent contre elles lorsque leurs intérêts sont menacés. Pire encore, la Libye s'est retrouvée, depuis quelques mois, avec deux gouvernements et deux parlements concurrents qui se disputent la légitimité politique, une crise institutionnelle inédite qui ne fait que compliquer la difficile transition. Incertitude politique La situation politique en Libye s'est aggravée davantage, durant l'année qui s'achève, notamment après le verdict (en novembre) de la Cour suprême invalidant le nouveau Parlement (issu du scrutin du 25 juin 2014) reconnu par la communauté internationale, une décision qui a crée une onde de choc dans ce pays et plongé ce dernier dans une nouvelle ère d'incertitude. Cette annonce illustre l'extrême désordre régnant en Libye. La Cour était appelée à se prononcer sur la constitutionnalité du Parlement après un recours déposé par un député qui boycotte l'Assemblée l'accusant de ne pas respecter la Constitution provisoire qui stipule qu'il doit siéger à Benghazi (est). Contesté par Fajr Libya (Aube de la Libye), une coalition de milices et par de puissants groupes armés qui ont pris Benghazi, le Parlement était obligé de se réunir depuis son élection à Tobrouk dans l'extrême est du pays pour des raisons de sécurité non assurée à Benghazi. Dans la foulée de cette confusion, le Congrès général national (CGN, ancien Parlement) s'est déclaré comme étant "la seule instance légitime dans le pays". Guerre des milices pour le pétrole L'instabilité politique a profité aux groupes armés et milices qui ont continué, pour la 3e année consécutive, d'agir en dehors de toute légalité. Benghazi, deuxième ville du pays et point de départ du soulèvement de février 2011, fait l'objet, depuis mai, d'une vaste offensive menée par le général à la retraite Khalifa Haftar contre des groupes armés dont Ansar al-Charia. Khalifa Haftar déclare que son objectif est de "rétablir la légitimité" de l'Etat libyen et "éradiquer le terrorisme". Il a réussi, et c'est nouveau, à obtenir le soutien du gouvernement et donc d'une partie de l'armée officielle. Les violences dans la deuxième ville du pays ont continué aux mois de juin, juillet, août 2014 et se sont étendues à Tripoli près de l'aéroport faisant des dizaines de morts. La capitale est ensuite tombée en août aux mains des milices +Fajr Libya+ qui en a chassé les milices rivales de Zenten, et y a installé un gouvernement parallèle. En conséquence, l'aéroport international de Tripoli est fermé depuis le 13 juillet et la grande majorité des pays occidentaux ont évacué leurs ressortissantes et fermé ambassades et entreprises, aggravant l'isolement de ce pays. Les derniers jours de l'année 2014 ont été sanglants aussi dans l'est libyen où des attaques de miliciens visant à prendre le contrôle de terminaux pétroliers et d'une centrale électrique ont provoqué la mort d'une vingtaine de soldats et où un réservoir pétrolier dans le terminal d'al-Sedra a pris feu. Une chance pour la paix Pour sauver la Libye, les efforts de paix se sont multipliés en 2014 aux plans régional et international: le groupe des Etats voisins de la Libye (Algérie, Libye, Tunisie, Egypte, Soudan, Niger, Tchad) crée à l'initiative de l'Algérie qui en préside la commission sécuritaire, a tenu jusqu'ici cinq réunions lors desquelles l'impératif d'engager "un dialogue national inclusif" a été souligné. C'est dans ce contexte qu'Alger a décidé en marge des travaux de l'Assemblée générale de l'ONU, de lancer une initiative pour amorcer un dialogue national inclusif en Libye loin de toute intervention étrangère, une approche soutenue par plusieurs parties en Libye mais aussi à l'étranger, les Etats-Unis et l'Union africaine (UA) en tête. "Il va falloir trouver une solution politique", à un conflit qui n'a que trop duré et qui menace la stabilité des pays du Sahel, n'ont cessé de répéter les dirigeants algériens depuis le début de la crise libyenne. Parallèlement aux efforts d'Alger, l'ONU s'efforce elle aussi, depuis septembre, de regrouper autour d'une même table des délégations des différentes parties du conflit libyen. En attendant l'aboutissement de tous ces efforts, les Libyens doivent accepter l'idée du dialogue sans préalable pour relever les défis dangereux qui menacent l'avenir de leur pays où les violences ont détruit les espoirs d'un essor économique et d'une transition paisible dans ce riche Etat pétrolier.