L'Europe, prise entre la guerre d'Ukraine à l´est et l'instabilité politique d'un certain nombre de pays arabes, au sud, cherche à impliquer la rive sud de la Méditerranée dans la lutte contre le djihadisme. Sa priorité du moment consiste, aussi, à aplanir les tensions avec certaines parties de cette région, issues des derniers événements survenus à Paris, qui ont donné lieu à de fortes mobilisations pour la défense de l´Islam dans la majeure partie du monde arabo-musulman. Voilà pourquoi l´idée d´une conférence de haut niveau avait été suggérée au ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel García-Margallo, par le Commissaire à la politique européenne de voisinage, Johannes Hahn, en marge des travaux du Conseil des ministres des AE européens qui s´était tenu le 20 janvier à Bruxelles. Cette proposition a fait son chemin puisque l´Espagne se prépare en ce moment activement à abriter, le 13 avril à Barcelone, une telle conférence regroupant les «28» et les 8 pays voisins du sud de la Méditerranée. La Haute Représentante à la politique extérieure européenne, Federica Mogherini, le ministre espagnol des Affaires étrangères, Jose Manuel García-Margallo, et la Lettonie, pays qui assure la présidence semestrielle de l´UE, ont préparé une lettre d´invitation conjointe que cette «troïka» prévoit d´adresser à 8 pays de la rive sud de la Méditerranée. Il s´agit de l´Algérie, du Maroc, de la Tunisie, de l´Egypte, de la Jordanie, de la Palestine, du Liban et d´Israël. L´initiative européenne part de l´idée qu´il faut absolument «stabiliser la région» sud-méditerranéenne pour pouvoir freiner l´avancée de l´extrémisme islamiste. L´Europe pourrait même faire un grand geste financier pour participer à l´effort de développement de la région. Le chef de la diplomatie espagnole estime que «les mesures de stabilité de la région du sud de la Méditerranée devraient être accompagnées d´un indispensable programme de développement économique». Voilà qui devrait motiver un peu plus les gouvernements du Sud à s´impliquer dans une guerre que la coalition occidentale contre Daech veut qu´elle soit la plus large possible.
Les pays du Golfe de moins en moins motivés
Toutefois, ni la Libye ni la Syrie n´ont été conviées à cette conférence. La décision de ne pas inviter ces deux pays serait motivée par la multitude d´«interlocuteurs» en Libye où il y a deux gouvernements et, en Syrie, où ni l´opposition, trop divisée, et le gouvernement Assad ne sont pas des «interlocuteurs valables» aux yeux de l´Union européenne. L´élargissement du front voulu par les «28» risque d´être contrarié par la conjoncture globale qui est en plus marquée par la série d´assassinats des otages aux mains de Daech. La mort tragique réservée au pilote jordanien Moaz al Kasasbeh fait craindre aux «alliés» européens une augmentation des pressions des clans en Jordanie sur le roi Abdallah II qui se traduirait par la sortie immédiate de ce pays de la coalition en Irak. Il n´est pas exclu, en effet, que la Jordanie prenne exemple sur les Emirats arabes unis (EAU) qui ont cessé de participer aux bombardements des positions de l´Etat du khalifat. C´est cette éventualité qui est au centre des préoccupations des «alliés» qui cherchent à calmer le jeu depuis les attentats de Paris pour pouvoir élargir le front anti-Daech à toute la rive sud de la Méditerranée. Un pari des plus difficiles lorsque l´on sait que les Etats-Unis, par la voie du vice-président Joe Biden, ont averti les pays de l´Union européenne qu´ils devraient s´impliquer plus activement contre l´«Etat du khalifat».