Des appels à mobilisation de l'ONU pour une intervention militaire contre l'Organisation terroriste Daech en Libye se multiplient, au risque d'accentuer les violences et de mettre en péril le dialogue en vue d'un règlement politique de la crise libyenne. Au surlendemain du massacre des 21 ressortissants égyptiens enlevés en Libye par Daech, le chef d'Etat égyptien Abdel Fatah El-Sissi a demandé mardi une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU pour une intervention militaire d'une coalition en Libye. "Il n'y a pas d'autres choix", a-t-il assené. "Le chaos qui règne en Libye ne menace pas seulement l'Egypte, pays voisin, mais aussi toute la région et l'Europe", a estimé le président égyptien. Ce qui se passe en Libye va transformer ce pays "en un terreau qui va menacer l'ensemble de la région, pas uniquement l'Egypte mais aussi le bassin méditerranéen et l'Europe. Il faut traiter ce problème, car la mission n'a pas été achevée par nos amis européens", a poursuivi le président Al-Sissi. Lundi, l'aviation égyptienne a bombardé les positions de l'EI/Daech après le massacre des 21 Egyptiens présentés comme chrétiens, enlevés récemment en Libye. Les avions de guerre égyptiens ont tué 40 éléments de l'EI, selon le porte-parole des Forces armées égyptiennes. Parallèlement, le président égyptien et son homologue français François Hollande ont appelé à une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU pour décider de "nouvelles mesures" contre l'EI en Libye, autrement dit, une intervention militaire. La chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini rencontrera les autorités égyptiennes et américaines cette semaine pour évoquer une possible action commune en Libye, sans toutefois envisager pour l'instant de rôle militaire pour l'UE. L'idée d'une intervention militaire en Libye est évoquée également en Italie écartée par la suite par son chef du gouvernement Matéo Renzi. Le ministre des Affaires étrangères Paolo Gentiloni a expliqué que l'Italie restait mobilisée "pour reconstruire un Etat unitaire et global en Libye sur la base de la négociation lancée par l'envoyé spécial de l'ONU", Bernardino Leon. Le ministre de l'Intérieur italien Angelino Alfano a dénoncé de son côté le risque qu'"un califat islamique" s'installe "à nos portes". "Sans une rapide mobilisation générale pour la Libye, nous assisterons à d'autres tragédies en mer et à l'installation d'un califat islamique à quelques milles nautiques de nos côtes qui sont italiennes et européennes", a-t-il dit. L'option militaire risque d'accentuer les violences Réitérant l'attachement de l'Algérie à un dialogue inclusif inter-libyen, le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra a affirmé lundi que l'agression terroriste ayant ciblé des ressortissants égyptiens innocents en Libye, "en appelle à l'intensification des efforts pour encourager les Libyens à s'engager dans le dialogue". Il a rappelé, à cet effet, la position de l'Algérie qui prône le dialogue dans le cadre du respect de la souveraineté de la Libye et du renforcement des ses institutions à travers la réconciliation nationale. Des politiologues ont déclaré qu'une intervention militaire en Libye risque d'accentuer les violences dans ce pays en crise depuis 2011, soulignant que le dialogue entre les parties antagonistes reste la seule solution pour instaurer la paix dans ce pays. "Une intervention militaire ne peut guère mettre fin au conflit. Au contraire elle risque de le faire perdurer pour plusieurs années, à l'instar de l'Afghanistan et de l'Irak", attestent-ils. L'intervention militaire est la pire des solutions, la communauté internationale et les Libyens eux même en sont conscients. Il faut admettre que la situation qui prévaut actuellement en Libye est en partie la conséquence de cette option choisie par la France au début du conflit en 2011 dans ce pays qui célèbre ce 17 février son 4ème anniversaire de l'appel au soulèvement qui a conduit à la chute du régime de Maamar El Gueddafi, et poussé la Libye dans une situation chaotique en raison d'une crise politique et sécuritaire aigue. Ce n'est un secret pour personne, que certains pays favorables à une intervention militaire en Libye, ceux du Golfe notamment, étaient les premiers à y soutenir financièrement les groupes armés et même ailleurs en Syrie et en Irak. Réagissant au meurtre des otages égyptiens, le porte-parole de la Maison Blanche Josh Earnest, a souligné l'urgente nécessité d'un règlement politique du conflit en Libye, faisant part du "ferme appui" de Washington aux efforts déployés par le Représentant spécial de l'ONU. Des pays alertent leurs ressortissants L'ambassade d'Italie à Tripoli a annoncé avoir suspendu dimanche 15 février ses activités en raison de l'aggravation des conditions de sécurité", et son personnel a "été rapatrié à titre provisoire". Il s'agit de la dernière ambassade occidentale en Libye à évacuer son personnel, même si on préfère parler à Rome d'un "allègement" de la présence italienne, non d'une "évacuation". L'Italie a en outre invité ses ressortissants à quitter la Libye. Le ministère égyptien des Affaires étrangères a par ailleurs annoncé que le gouvernement avait mis en place une interdiction de se rendre en Libye. La Libye est plongée dans le chaos avec deux gouvernements rivaux, l'un mis en place par une coalition de milices, Fajr Libya, qui s'est emparé de la capitale cet été, et l'autre reconnu par la communauté internationale et qui a dû s'exiler dans l'est du pays.