Pour Francis Perrin, si les prix du brut se stabilisent à 50 dollars le baril, comme c'est le cas aujourd'hui, il n'est pas sûr qu'il y ait unanimité au sein de l'organisation pour une quatrième réduction. Après avoir atteint le sommet de la vague les prix du brut creusent le plancher, ils sont victimes de la crise économique, a-t-elle dit son dernier mot ? On ne peut pas exclure que les prix du pétrole baissent davantage en 2009 tant l'impact de la crise économique et financière mondiale est fort sur les marchés des matières premières. Certains économistes et responsables politiques estiment que le pire est passé mais rien n'est moins sûr. Cependant, les réductions de production décidées par l'Opep à la fin 2008 ont permis de stabiliser les prix autour de 40 dollars le baril pendant plusieurs semaines, alors que les risques de chute en dessous de ce seuil étaient fort élevés, puis de gagner une dizaine de dollars pour dépasser les 50 dollars le baril récemment. Le 24 avril, les prix du brent et du West Texas Intermediate (WTI) sur les marchés à terme de Londres et de New York ont terminé la séance légèrement au-dessus de 51, 50 dollars le baril, ce qui n'est pas si mal dans le contexte actuel. Mais il n'y a pas de garantie qu'ils resteront à ce niveau. Etant donné les conséquences que cela pourrait engendrer pourquoi n'arrive-t-on pas à prendre de décisions (un prix plancher de 70 dollars comme proposé par l'Opep), comme cela a été fait à Londres au sommet du G20 ? Comme rappelé ci-dessus, l'Opep a par trois fois déjà, en septembre, novembre et décembre 2008, décidé une baisse de sa production. Chacun sait que ces décisions n'ont pas été mises en œuvre à 100% mais elles le sont probablement à 75-80%, ce qui implique le retrait du marché de l'ordre de 3,2-3,3 millions de bj de brut. Ce n'est pas suffisant mais c'est très significatif. L'Opep a réussi à empêcher que les prix ne s'effondrent au début de cette année et tombent à 20-30 dollars le baril. Mais elle est un peu seule dans ce combat. Aucun pays non-Opep n'a accepté de baisser volontairement sa production. Heureusement pour l'Opep, certains pays non-Opep voient leur production baisser de façon involontaire. Et les pays consommateurs n'ont pas du tout envie que les prix du pétrole augmentent cette année. L'OPEP estime en effet qu'un prix de l'ordre de 70-80 dollars le baril serait un bon prix pour le brut. Mais les producteurs savent que ce niveau de prix ne sera pas atteint en 2009 au milieu d'une récession mondiale et d'une crise financière très grave. A partir de 2010, cela serait du domaine du possible. La proposition faite par l'Opep bute sur le niet catégorique de l'AIE. Cela s'explique-t-il par la saturation des stocks des marchés les plus gourmands, en l'occurrence ceux des Etats-Unis et de l'OCDE ? L'Agence internationale de l'énergie (AIE) représente les intérêts des pays consommateurs membres de l'OCDE. Ceux-ci estiment que la baisse des prix du pétrole et des matières premières après la flambée des années précédentes est l'une des rares bonnes nouvelles pour eux sur le plan économique. Ils savent bien sûr que les prix actuels du pétrole sont trop bas et que cela peut avoir des conséquences négatives à moyen terme. Mais dans le court terme, donc pour 2009, la priorité absolue pour eux est de limiter les dégâts face à la crise économique et financière mondiale. Pour argumenter son refus à l'Opep, l'AIE a pris appui sur les prévisions du FMI (notamment après qu'il eut annoncé une réduction du PIB mondial de 0,5%). Pourquoi ne tient-elle pas compte non plus des prévisions de la Banque mondiale (sur l'impact de la dégringolade des prix du brut en Angola et en Russie) ? Effectivement, la chute des prix du pétrole a un impact négatif sur la croissance économique des pays producteurs de pétrole. Mais du point de vue des pays de l'OCDE, cet impact négatif est plus que compensé par l'impact positif de cette même chute des prix pour les pays consommateurs, qu'ils soient des pays développés, émergents ou en développement. Or le poids de l'ensemble des pays importateurs de pétrole dans l'économie mondiale est très largement supérieur à celui des pays exportateurs. En parlant de la Russie en tant que membre observateur au sein de l'Opep quel rôle pourrait-elle jouer sur l'offre entre ce cartel et les pays producteurs non membres de l'Opep ? Je suis très sceptique sur ce que la Russie peut apporter. Ce pays a lancé en automne 2008 une offensive de charme en direction de l'Opep mais je ne vois pas grand-chose de concret sur la base des informations dont nous disposons à ce jour. Premier producteur mondial de pétrole devant l'Arabie Saoudite, la Russie n'est manifestement pas prête à ordonner une baisse de sa production alors que c'est ce qui intéresse l'Opep au premier chef dans les circonstances actuelles. Par contre, la production pétrolière russe est en train de décliner pour des raisons techniques, ce qui est une bonne chose pour l'Opep. Mais ce n'est pas parce que le Kremlin l'a décidé. A un peu plus d'un mois de la prochaine réunion du cartel une nouvelle coupe est-elle à prévoir ? L'Opep prendra sa décision sur la base d'une analyse très approfondie du marché pétrolier et de l'économie mondiale et passera également en revue l'état des réductions de production décidées à la fin 2008. Si les prix du brut se stabilisent à 50 dollars le baril, comme c'est le cas aujourd'hui, il n'est pas sûr qu'il y ait unanimité au sein de l'organisation pour une quatrième réduction. De plus, comme rappelé ci-dessus, il y a encore de la marge pour appliquer complètement les décisions précédentes. Par contre, si les prix du pétrole subissaient de nouvelles attaques et baissaient vers 40 dollars le baril d'ici à la prochaine conférence ministérielle de l'Opep, il est probable que cela susciterait une nouvelle réaction des pays membres. Entretien réalisé