Produits cosmétiques contrefaits ou périmés, pièces détachées "made in Taiwan", produits alimentaires impropres à la consommation mais reconditionnés ou vendus en vrac, ce ne sont que quelques exemples de la nouvelle hantise des consommateurs et des associations qui œuvrent à leur protection. Depuis quelques années, tout le monde s'accorde sur le fait que le marché algérien s'est transformé en dépotoir pour toutes sortes de marchandises, le plus gros d'entre elles ne répondant pas aux normes élémentaires de conformité ou de sécurité. Marché informel aidant, et à coups de prix imbattables, le citoyen se voit proposer une multitude de produits, plus dangereux les uns que les autres. Et parfois, même en y mettant le prix, et en pensant acquérir un article "d'origine", l'acheteur se retrouve en possession d'une parfaite imitation, fabriqué en Asie ou dans un pays arabe. Mais pas uniquement, car des "opérateurs" locaux sont aussi devenus de parfaits "copieurs", et profitent de l'attraction notoire de leurs concitoyens pour tous ce qui est "made in" afin d'écouler leur marchandise, la qualité et la sécurité en moins. Comment procèdent-ils ? "Par exemple, ils récupèrent des flacons vides de shampooings ou de parfums de grandes marques, les remplissent d'une mixture de leur facture, de basse qualité et parfois dangereuse, empaquettent le tout, et sans être inquiétés le moins du monde, ils vendent ces biens sur les étals de marchands ambulants", raconte M. Benkhadouma, président d'une association de protection des consommateurs. Et comme dans nombre de situations, "c'est le maillon faible de la chaîne, le citoyen lambda, qui paie la facture, parfois très lourde. Car aujourd'hui, la fraude touche tous les secteurs, de l'industrie agroalimentaire au BTP, entraînant des dégâts considérables", ajoute-t-il, conforté dans ce sens par le président de l'association d'information et de défense des droits du consommateur, M. Abdi, qui affirme toutefois que "même de grandes entreprises sont l'objet de telles fraudes, dans les matières premières par exemple, ce qui se répercute sur toute la chaîne de production, faisant de ces sociétés des arnaqueurs malgré eux". Parfois, nous ne savons plus qui est la victime et qui est le bourreau !" Une loi, et après ? Conscientes de la recrudescence de telles pratiques et de leurs dangers, les autorités ont décidé de sévir, et ont instauré, en février 2009, une nouvelle loi pour la protection du consommateur. Ce texte prévoit, entre autres, des peines de prison à l'encontre des contrevenants et des trompeurs allant de six mois à 5 ans de prison, ainsi que des amendes allant jusqu'à 2 millions de dinars. Ces mesures, pour le moins que l'on puisse dire cœrcitives, pourront-elles mettre un frein au non-respect des conditions d'hygiène et de salubrité des produits et services ? M. Benkhadouma reste un tant soit peu sceptique, tant à son sens "il y a un manque de volonté politique à appliquer effectivement. L'administration demeure sourde aux diverses plaintes émises". De même, les contrôles de la part des services concernés ne sont pas effectués de façon approfondie, régulière et inopinée, seule manière de réellement veiller à la propreté d'une boulangerie ou à la validité d'un produit. Le président de l'association tempère toutefois ses dires, en concluant : "Il faut tout de même espérer que ces lois porteront leurs fruits et apporteront un vrai changement d'ici quelques années, une fois que le marché informel sera maîtrisé et que les entreprises et opérateurs s'informent et se forment aux normes internationales de production". Quant à M. Abdi, il estime que l'Algérie, qui convoite une adhésion à l'OMC, se doit de mettre un terme définitif à ces pratiques, "qui à cette échelle, et au vu des autorités, révèle la fragilité et la précarité de l'économie nationale, et renvoie l'image peu flatteuse d'un pays qui a gardé ses réflexes tiers-mondistes", affirme-t-il, critique, poursuivant : "La complaisance envers les contrevenants et la corruption des contrôleurs et agents mènera indubitablement à la nullité de tels textes." Les commerçants avant tout ? L'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) considère, quant à elle, que le réel fléau et l'écueil à une réelle sécurité pour les consommateurs reste avant tout le marché informel. "Le marché algérien est complètement désorganisé, l'importation est anarchique et même des opérateurs économiques de grande envergure se font "rouler", ou pire, activent aussi dans les marchés parallèles. Ces nouvelles mesures n'aboutiront à rien tant que l'informel ne sera pas maîtrisé", avance M. Boulenouar, chargé de la communication de l'UGCAA. "Il y a incurie et une totale absence des APC et des collectivités locales dans ce domaine si sensible. Les rôles des directions de la concurrence et des prix ne sont pas clairs, et les contrôles de la part des services ne changent rien à la propagation de ce phénomène", poursuit-il. Pourtant, il a été fait état de nombreux commerçants activant dans la légalité et bafouant les règles basiques d'hygiène ou arnaquant sans vergogne leur clientèle. "Il n'a été signalé qu'une centaine de ces cas à travers le territoire national. Et des mesures très strictes ont été prises à leur encontre. La réelle menace, ce sont les marchés parallèles", insiste-t-il. De plus, selon l'UGCAA, la raison pour laquelle ces "illégaux" pullulent en toute tranquillité - ils seraient près de deux millions - demeure la difficulté qu'ont les commerçants qui travaillent dans la légalité à exercer leurs activités. "Bureaucratie et lourdeurs administratives, articles de loi dépassés, charges élevées et très lourds impôts, rien n'est fait pour les aider ou les inciter à travailler dans les règles", déplore-t-il, concluant "qu'avant de penser à établir une protection des consommateurs, ou du moins pour qu'elle soit applicable et efficiente, il aurait d'abord fallu penser à protéger les commerçants et autres producteurs".