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«Le système financier et l'économie algériens n'ont pas subi les effets de la crise» Crise économique : Docteur Brahim Gacem, directeur général de Business & Management University à Genève :
Pour notre interlocuteur, c'est cette frénésie du gain facile sur le dos des plus faibles et cette consommation effrénée sur la base de crédits internationaux qui sont à l'origine du mal. Plus de 3 semaines après la réunion du G20, mis à part quelques soubresauts enregistrés çà et là, les indices économiques ont toujours du mal à passer au vert. Peut-on anticiper et parler d'insuffisances ou de faiblesses de décisions émises à Londres ? Oui, c'est juste, mais on a remarqué que les résultats des discussions juste après la réunion n'ont pas été à la hauteur des espérances et chaque jour qui passe confirme plus cette déception, de plus les indicateurs mondiaux sont là pour confirmer cette apathie. La récession que nous vivons est la plus profonde depuis la Seconde Guerre mondiale et elle n'épargnera aucune région du monde et que la reprise se fait attendre. D'autant plus que le FMI prévoit un recul de la croissance mondiale de 1,9% pour 2009. Par ailleurs, l'économie n'est pas une science exacte, l'objectif de cette réunion était de faire un état de la situation dans lequel se trouvent les économies et de se concerter sur les choix stratégiques communs à mettre en place pour les relancer. Mais ils ont complètement évité de se poser la question sur l'origine des problèmes et demander aux responsables de cette déconfiture de prendre les mesures adéquates pour éviter une récidive. Il est clair que les principaux responsables, les USA, ne peuvent s'autoflageller et encore moins se remettre en question et ils avaient comme d'habitude les Anglais en soutien et les autres Etats pas assez téméraires pour se lancer sur ce terrain. On remarque aujourd'hui que les USA ont engagés des politiques monétaires et budgétaires très expansives et apparemment des résultats commencent à se faire sentir. A ce sujet, certains indicateurs économiques montrent depuis 2 mois de légers signes de reprise. Ces signes sont les résultats d'une inondation monétaire des marchés en plus d'un endettement public très important. Si ces politiques commencent à donner leurs effets les conséquences à moyen et long terme sont prévisibles : une inflation qui va entraîner d'un côté la chute du dollar pour le plus grand bien de la balance commerciale américaine et de l'autre côté un allégement de sa dette au détriment de ses créanciers qui sont asiatiques et européens. Plombés par leurs déficits budgétaires, les Européens se sont lancés dans des politiques économiques timides. Les effets de la crise n'ont pas encore déployé totalement leurs effets. Des politiques protectionnistes s'affirment de plus en plus ouvertement dans chacun des Etats membre de l'Union. L'Asie, et plus spécifiquement la Chine, essaye de profiter de la crise pour relancer son marché local et confirmer une certaine indépendance vis-à-vis du reste du monde. Il est clair et comme toujours, l'Afrique est un laissé-pour-compte. Y ont été retenues les recommandations du FMI, celles de consacrer 2% du PIB mondial à des plans de relance budgétaire. Initiative louable certes, cependant étant donné l'évolution de cette crise sur tous les secteurs économiques (notamment sur le commerce mondial) que représente cette valeur ? Est-elle sûre ? 2% du PIB mondial correspondent à un quart des pertes potentielles des établissements financiers (4000 milliards de dollars) ou bien 50% du déficit des USA (2000 milliards de dollars) ou bien à 20% des dépenses publiques américaines. Il est clair que si tous les Etats du monde s'accordent à dépenser en même temps ce montant (soit 2% du PIB pour chaque pays) et que les économies au niveau mondial soient très ouvertes cela entraînerait probablement un accroissement du PIB mondial de 6% (sur la base d'un multiplicateur de 3). Mais dans le cas où peu de pays jouent le jeu et que ceux qui le joue mettent en place des barrières protectionnistes, alors l'effet de cette impulsion serait presque nulle pour le reste du monde. Le G20 a proposé un montant de 250 milliards de dollars pour relancer le commerce mondial et rejeter le protectionnisme montant qui risque d'être insuffisant pour contrer l'effondrement du commerce mondial (le FMI prévoit -11% pour 2009). Abondant dans le même sens, peut-on à priori faire des prévisions et évaluer cette débâcle économique ? Le FMI prévoit une croissance au niveau mondial symbolique de +0,5% pour 2009 car la crise fait rage dans les économies développées (-3,8% en 2009) malgré une réelle résistance des économies émergentes et en développement (+1,6%), notamment grâce à l'Afrique (+2%) et bien sûr à l'Asie (+4,8%), tirée par une Chine toujours vigoureuse (+6,5%) et une Inde qui amortit le choc (+4,5%). En revanche, l'Amérique latine bascule (-1,5%). La crise financière a miné la confiance des acteurs économiques et fait chuter les Etats-Unis (-2,8%), premiers responsables de la tourmente. Mais le manque de coordination des politiques de relance se paie dans la zone euro par un recul encore plus marqué (-4,2%, dont -3% pour la France). Les déséquilibres monétaires et budgétaires de l'Europe centrale et orientale y provoquent un coup d'arrêt sévère (-3,7%). Le G20 a retenu la somme de 850 milliards de dollars pour venir en aide aux pays dont les économies respectives sont dans le rouge et selon le Financial Times 44% de cette golden enveloppe iront au G8 ; ce partage est-il fait à parts égales ? Le G20 sous l'impulsion de la France prévoit pour les trois prochaines années que les pays les plus pauvres se verront allouer quelque six milliards de dollars tirés des ventes d'or du Fonds monétaire international. Par ailleurs, les banques multilatérales de développement recevront 100 milliards de dollars supplémentaires de facilités de prêts. Ceci devra leur permettre de continuer à investir dans l'éducation des populations les plus défavorisées et à mettre en place des stimulations fiscales pour construire des infrastructures solides, durables et faibles consommatrices d'énergie, dans les pays en développement. Cela est bien une maigre consolation au vu des effets dévastateurs de la crise sur les pays les plus pauvres quand on sait que l'Afrique va perdre 2% de croissance (ce qui équivaut à 40 milliard de dollars) en 2009 à cause de cette crise. Si le protectionnisme fiscal a été abordé, on n'y est cependant pas arrivé à bout, or ce type de pratique est effectué par les pays les plus riches. Schématiquement parlant, le G20 a-t-il répondu aux problèmes de la crise ? L'origine des problèmes est ailleurs, les paradis fiscaux ont bon dos, ils ne sont ni à l'origine du problème et encore moins la solution. C'est cette frénésie du gain facile sur le dos des plus faibles et cette consommation effrénée sur la base de crédits internationaux qui sont à l'origine du mal. Le G20 signifie probablement la mort du G7, ce qui est une très bonne chose et un bon début pour la démocratie. Il est clair que le chemin reste long pour que le droit des minorités (Afrique surtout) se fasse entendre. Ce concerter à un niveau très large pour une mise en place d'une stratégie mondiale est une très bonne chose. Les décisions prises lors de ce G20 ont été dictées par les Etats et les plus riches en fonction de leurs problèmes. Une petite pensée pour les pays les moins nantis permet d'éviter des critiques trop évidentes. Quelles répercussions sur le BRIC ? Sur les 4 pays la Russie paraît la plus touchée et le Brésil résiste encore bien. La Chine devient de plus en plus puissante. Elle profite de cette crise pour se refaire une santé interne et consolider son marché domestique. Si elle réussit à dynamiser sa consommation interne la Chine pourra se passer du reste du monde. La Chine encore une fois démontre une force économique qui conforte sa position d'outsider. Ce qu'il faut relever c'est que la grande force de la Chine n'est pas uniquement la taille de son marché mais aussi est surtout la grande ardeur des Chinois au travail. La Russie par contre souffre énormément de la crise. Son économie peu diversifiée et peu efficace a montré ses limites. Sa croissance fulgurante a été due essentiellement à l'augmentation des prix du pétrole et sa mue vers l'économie de marché n'est ni accompli ni claire et on est en face d'une grande nation de par son passé et ses ressources naturelle mais qui se recherche encore. Secret de Polichinelle, l'économie est inhérente à la politique, partant de ce truisme peut-on y voir un moyen de freiner le poids décisionnel de ces puissances émergentes ? Il ne faut pas sous-estimer le poids de l'économique et si l'on voit le retour du politique c'est surtout la faute au premier. Mais par contre le politique sert en général l'économique. Ce dernier n'a pas su s'autoréguler et le libéralisme a montré aussi ses limites et ses faiblesses. Il est clair que c'est avec les crises que les systèmes économiques et politiques arrivent à mieux se coordonner et à se respecter car à chacun ses carences et ses errances. Et selon vous, quels en sont les enjeux ? Le monde libéral a été surpris par les limites d'une déréglementation aveugle et d'une innovation financière soutenue. A partir de là chacun essaye de profiter de l'occasion pour s'en sortir et se positionner. Les USA ne veulent pas perdre le leadership, la bonne vieille Europe essaye de consolider son union récente et l'Asie pour ne pas dire la Chine avance à grands pas et reste en embuscade. Et le fait que l'Europe de l'Est et centrale soient les premières à trinquer, cela signe-t-il le retour d'un vieil échiquier politique qu'on a cru définitivement enterré ? Oui la plupart des pays de l'Europe de l'Est sont des pays nouvellement libéraux, leurs économies sont très fragiles. Ils ne sont pas aguerris aux fluctuations des marchés, surtout quand elles sont d'une ampleur exceptionnelle. Mais la vieille Europe est toujours présente et financera quel que soit le prix la reprise pour mieux intégrer ces nations. A l'heure actuelle, peut-on parler de répercussions sur l'économie de marché ? Non c'est une reprise en main passagère de l'économie de marché par l'Etat mais uniquement passagère, le temps de la mise en place d'une réglementation. Les structures économiques sont dépendantes d'une réglementation mais complètement indépendantes de l'Etat, ce qui fait que les forces économiques sont toujours présentes. L'Etat lui-même dans les pays à économie de marché est issu de ce type d'économie, il ne peut se renier. L'Etat est là pour servir l'économie, donc le citoyen, et pas l'inverse. On parle aujourd'hui de plus d'économie durable qui tienne compte de trois éléments vitaux : l'économique, le social et l'environnement. Une société qui tient compte de l'intérêt des individus, pour ne pas dire profit, qui protège aussi les plus faibles et qui n'oublie pas l'environnement écologique qui est actuellement très mal en point. Quelles répercussions sur les pays en voie de développement ? Il est clair qu'une petite pensée de la part du G20 aux pays en développement a été la bienvenue, mais il est clair c'est aux PVD de prendre leur destin en main et faire entendre leur voix et défendre leurs intérêts, sinon ils seront toujours des laissés-pour-compte. Les dernières estimations du FMI montrent clairement que la crise à fait perdre 2% de croissance à l'Afrique, c'est équivalent à 40 milliards de dollars, montant bien plus élevé que la compensation de 6 milliards sur les trois prochaines années promise par le G20. On remarque que le système financier et l'économie algériens n'ont pas subi directement l'impact de la crise internationale et cela est dû à une certaine déconnexion avec les marchés financiers et économiques internationaux. Mais par contre n'oublions pas, l'importante baisse des prix de l'énergie due à cette crise a un impact évident sur les revenus des exportations pétrolières, la fébrilité du dollar confirme encore plus la baisse de ces revenus. Il est aussi évident que la politique monétaire expansive de la réserve fédérale va encore peser sur le dollar et donc sur les revenu pétroliers. Face à la déroute d'un système économique qui affiche ses limites, à quoi auront servi les réformes économiques que le Nord aura imposé au Sud ? Oui c'est juste d'un côté mais il faut aussi se rendre à l'évidence que la seule issue de sortie c'est l'indépendance économique de ces pays vis-à-vis des pays du Nord. Cette indépendance passe par l'union. Il faut que les pays du Sud soient en premier lieu conscients du problème et en deuxième lieu plus soudés pour défendre leurs intérêts et spécificités. Les pays du Sud ont des valeurs et des ressources à faire prévaloir et il faut qu'elles soient valorisées à leur juste prix. Entretien réalisé par