Reporté le 25 mars dernier en raison de l'absence des avocats d'un des principaux accusés, le procès de l'affaire dite de l'autoroute Est-Ouest, un scandale de corruption des plus retentissants ayant éclaté en 2009, a été ouvert hier au tribunal criminel d'Alger. Comme de coutume, l'afflux de citoyens et de journalistes toujours «accros» des moindres détails se rapportant au traitement judiciaire du «projet du siècle» était important à ce rendez vous. La salle d'audience s'est en effet avérée exiguë pour contenir tout ce monde au moment où le président du tribunal commençait à citer les noms des personnes incriminées et de leurs avocats ainsi que les témoins se comptant par dizaines. Sur les 27 témoins inscrits, une douzaine n'a pas répondu à l'appel du magistrat, mais ce fait n'a pas empêché l'ouverture du procès. Son report, le 25 mars, a été motivé, rappelle-t-on, par l'absence des avocats du principal accusé dans cette affaire, le dénommé Chani Medjdoub. La défense de ce dernier est assurée par un collectif comptant deux avocats étrangers, William Bourdon et Philippe Penning en l'occurrence. Ils font partie d'un collectif de défense de 16 personnes et 7 entreprises étrangères incriminées dans cette affaire et poursuivies pour divers chefs d'inculpation ayant trait entre autres à la dilapidation de deniers publics, corruption, blanchiment d'argent et trafic d'influence. Outre les 16 accusés dont une demeure en fuite et quatre autres en détention, les sept sociétés étrangères qui sont impliquées dans ce procès sont les deux groupement sino-japonais (Cetic-Crcc et Cojaal), l'italienne Pizarotti, l'espagnole Isolux Corsan, la canadienne SM Inc, la portugaise Coba ainsi que l'entreprise suisse Garanventas. Un des principaux faits qui a marqué par ailleurs cette première journée du procès de l'autoroute Est-Ouest se rapporte à cette menace exprimée par les avocats du principal accusé Chani Medjdoub évoquant la possibilité de se retirer du procès. Et pour cause, les avocats en question contestent les procédures judiciaires liées à l'instruction de cette affaire et revendiquent du coup sa nullité. Cette requête formulée par les avocats de Medjdoub n'a pas été sans susciter un climat de tension, ce qui a amené le président du tribunal à suspendre momentanément l'audience. Le procès a eu déjà à connaître une première brève suspension décidée par le magistrat dans le but de délibérer sur une demande de la défense ayant réclamé la présence comme témoin du procureur de la République près la cour d'Alger. «Nous avons formulé une demande par écrit pour la présence à ce procès du procureur de la République près la cour d'Alger, du juge d'instruction et des éléments de la police judiciaire qui ont instruit cette affaire», expliquera l'avocat Tayeb Belarif, un des membres du collectif d'avocats de Chani Medjdoub. A la reprise de l'audience, le magistrat annonce que cette demande faite par écrit est «irrecevable».
La défense revient à la charge, nouvelle suspension La décision du président du tribunal n'a pas été du goût des avocats du principal accusé qui sont vite revenus à la charge et ont redoublé de critiques dans leur manière de remettre en cause les procédures de l'instruction. William Bourdon, une des robes noires, est allé même jusqu'à dire que son «client» a été «séquestré» arguant du non-respect du délai de la détention de Chani Medjdoub et qui aurait été présenté, selon lui, à l'instruction «dans un état déplorable». Du coup, le collectif de la défense du principal accusé récuse, dans sa totalité, «la procédure judiciaire dans l'instruction. Une demande doublée cette fois-ci par la menace du retrait du procès. Les mêmes avocats ont aussi reproché de ne pas communiquer dans les délais (3 jours avant le procès) la liste complète des témoins. «Le Trésor n'a rien à voir», martèle la défense Autre question ayant fait l'objet de vifs échanges entre le président du tribunal et le collectif des avocats des 16 accusés a trait à la constitution d'un représentant du Trésor public en tant que partie civile dans ce procès. Cette demande a essuyé un refus catégorique de la part des avocats. «Le Trésor n'a rien à voir dans ce procès, a indiqué l'un d'entre eux». Après délibérations avec ses assesseurs et le ministère public, le président du tribunal avait estimé que cette demande est «prématurée» dans la conduite du procès. Après la menace, le retrait Le déroulement du procès n'est pas sans rebondissements. Les avocats de Chani, dont les deux étrangers, se sont destitués de sa défense, et se sont retirés du procès en raison du rejet par le tribunal criminel d'Alger de leur demande de «nullité de la procédure judiciaire» dans l'instruction de cette affaire. Le président du tribunal devra statuer sur la commission d'office d'avocats pour défendre Chani Medjdoub, qui a refusé le report de ce procès. «Je peux me défendre tout seul. Je n'ai pas besoin de ces avocats qui ne servent à rien», a-t-il dit, les larmes aux yeux après avoir raconté les conditions de son arrestation. D'autres avocats, qui défendent les autres prévenus dans cette affaire, ont également manifesté leur intention de ne pas reporter ce procès. «Mon client attend depuis cinq ans d'être jugé, et je ne suis pas, comme d'autres avocats, d'accord pour le report du procès», a indiqué le défenseur d'un des 15 accusés dans ce dossier qui tient en haleine l'opinion publique. Nouvelle suspension après que Chani Medjdoub a annoncé qu'il «peut se défendre tout seul» en cas de retrait de ses défenseurs. Ses avocats ont tenté de persuader Medjdoub de ne pas s'opposer à leur demande de nullité de la procédure d'instruction, mais l'accusé principal campe sur ses positions. Un des membres du collectif de la défense de celui-ci a précisé à l'APS que «Chani a accepté» que ses défenseurs se retirent du procès. Après le retrait des avocats, le président du tribunal a annoncé, à l'issue d'une délibération de plus d'une demi-heure, que le procès est ajourné à dimanche prochain.