On lui connaissait une tenace bonhomie, voilà qu'on le découvre drôle. Et peut-être bien un tantinet cynique. L'incolore inodore indolore Abdelkader Bensalah, président du Conseil de la nation à plein temps et président du RND à son corps défendant… ne sait pas qu'il y a des problèmes dans son propre parti ! Ceux qui semblent surpris qu'un leader de parti politique ignore ce qui se passe dans ses propres rangs ne devraient pourtant pas l'être vraiment, s'agissant, dans le cas précis. Cela procède à la fois de la culture politique du sérail auquel il a toujours appartenu sans le moindre état d'âme, de son tempérament personnel et des enjeux que porte en elle la conjoncture. Abdelkader Bensalah sait qu'il est président du Sénat parce qu'il fallait bien mettre quelqu'un là-bas. S'il était possible d'accéder à ce genre de poste grâce au poids de son parti d'une manière générale ou grâce à un résultat électoral ça se saurait. Et Abdelkader Bensalah l'aurait certainement su avant beaucoup de monde. D'abord parce que l'homme n'a pas la réputation d'être un militant organique patenté et le moins qu'on puisse dire est que ce n'est pas de ce côté là qu'il attend le bruit du vent quand il est en… situation d'attente. Ensuite parce que l'un confirmant l'autre, appartenir à un RND en situation de grâce n'est en rien un gage de promotion. Ce n'est d'ailleurs pas aux meilleurs moments de son parti qu'Abdelkader Bensalah s'est vu confier les postes de président de l'Assemblée nationale puis du Conseil de la nation. Et c'est à un moment où on ne savait plus quoi faire du…RND qu'on en a confié les destinées à Bensalah ! Là, c'est sur qu'il va être discret jusqu'à ce qu'on décide à nouveau de lui faire dire des choses. A moins que ce ne soit pas seulement de lui faire dire des choses qu'il s'agit. Mais on n'en est pas encore là même si dans ce genre de situation, on a toujours su prendre les devants. C'est donc dans cette conjoncture où tout le monde sait qu'il va se passer quelque chose sans savoir vraiment quoi qu'on a encore pensé à Abdelkader Bensalah. En fait, on a pensé à… Ahmed Ouyahia ! C'est une question de destin. Il est des hommes auxquels on pense quand il se passe des choses et d'autres quand on a envie qu'il ne se passe rien. Alors, on fait appel aux mêmes qui se sont mobilisés pour faire partir Ouyahia qui ne peut pas être là quand le silence est maître des lieux. Et ils viennent, sans états d'âme, que finalement il est le meilleur après avoir été le pire. Et invitent Bensalah à quitter les lieux parce qu'il est le pire après avoir été le meilleur. Bensalah sait tout ça. Il est incolore et inodore mais il ne manque pas de perspicacité, il y a même beaucoup d'ironie dans sa dernière sortie. L'écrasante majorité des députés, sénateurs et membres du conseil national du RND demande son départ et le retour d'Ouyahia, sa destitution est imminente, il l'aurait même accepté sans faire d'esclandre et voilà qu'il répond à la presse sur la question, qu'il «ignorait» l'existence de «différends» au sein de son parti ! Feignant manifestement d'ignorer qu'il est en ce moment le problème, il suggère même les… solutions : «Calme et raison pour trouver les formules qui préservent l'unité et la stabilité du parti» ! Comme on ne peut pas le soupçonner de ne pas comprendre ce qui se passe, il reste à admirer son aplomb et son flegme. Un aplomb et un flegme qui s'expliquent : il n'a jamais demandé à être le chef du RND ! Et s'il n'a pas refusé quand on le lui a proposé, il n'y a aucune raison de râler quand on veut l'en destituer. Surtout qu'en l'occurrence, ça ne sert à rien de râler.