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«Cette respectabilité sémantique accordée à ces criminels est proprement inadmissible !» Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R) au Temps d'Algérie :
Le Temps d'Algérie : Certains médias français, dont Le Figaro, ont qualifié de «militants» les 22 terroristes éliminés hier par l'armée. Bourde ou lapsus ? Eric Denécé : J'espère vraiment que c'est un malheureux lapsus, car sinon, cette «respectabilité sémantique» accordée à ces criminels est proprement inadmissible ! Ce sont des terroristes qui s'inscrivent dans la continuité d'un mouvement qui a fait des centaines de milliers de morts en Algérie et qui adhèrent à l'idéologie obscurantiste et mortifère d'Al-Qaïda et de Daesh. Il n'est pas possible d'avoir du respect pour ces individus-là. Maintenant, il faut aussi se souvenir que les médias français ont été très partiaux dans leur traitement de la guerre civile algérienne des «années noires», voyant les militaires et le DRS derrière la majorité des actions terroristes…. Il reste des traces de cette lecture faussée de la situation, et des partisans du «Qui tue qui ?» sont toujours en activité dans nos médias. Les terroristes de Daech et d'Al Qaïda sont qualifiés de rebelles, d'opposants, d'islamistes ou de djihadistes quand ils sévissent en Syrie et en Irak, et appelés de leur vrai qualificatif (terroristes) quand ils sévissent en Occident. Pourquoi cette contradiction ? Ce n'est pas tout à fait exact. Les médias français considèrent tous que Daech et Al Qaïda sont des terroristes et représentent un réel danger. Toutefois, dans deux pays (la Syrie et à moindre degré l'Egypte), dont les régimes ne trouvent pas grâce à leurs yeux, ils sont plus tolérants pour les actions de Daech, de Jabhat Al-Nosrah ou des Frères musulmans. C'est une grave méprise, une véritable contradiction qui relève d'une profonde méconnaissance des enjeux locaux et internationaux. Celle-ci vient d'ailleurs du niveau politique, puisque ces mouvements restent soutenus par l'Occident, alors même qu'ils appartiennent à des formations terroristes qui souhaitent la disparition de notre civilisation. Une polémique était née en France il y a quelques semaines suite à l'interview accordée par le président Bachar El Assad à France 2. Des voix s'étaient élevées contre le fait d'accorder la parole au président syrien. Cependant, des terroristes, comme celui surnommé le «zombie», auteur d'un acte de cannibalisme lorsqu'il a arraché et mangé le cœur d'un soldat syrien, a été interviewé par le journal britannique The Times sans que ces voix ne dénoncent cette interview. Assiste-t-on à un renversement des valeurs humaines ? Non, nous n'assistons pas à un renversement des valeurs. Et ce que disent les médias n'est pas nécessairement le reflet de l'opinion. On observe une certaine politisation de nos médias, en ce sens qu'ils sont dans le «politiquement correct» qui est une véritable gangrène en France, et dans le mainstream médiatique international, orienté par la presse américaine. Dès lors, la vision du monde que donnent les médias sur les sujets internationaux est de plus en plus faussée. Je note qu'ils ont tous soutenu l'intervention saoudienne au Yémen et qu'aucun média ne s'est offusqué de cette opération d'ingérence dans un pays voisin. Je n'ai lu nulle part de critique, malgré les bombardements aveugles de Ryadh ayant provoqué de très nombreux morts et des destructions civiles. Il y avait pourtant matière à réagir : outre l'aspect humanitaire, nos médias auraient pu stigmatiser le fait que, pour une fois que des pays arabes étaient capables de constituer une coalition militaire… c'était pour attaquer un autre pays arabe ! Européens et Américains ne sont pas les seuls à nager en pleine contradiction ! Certains disent que nombre de médias appartiennent à des constructeurs d'armes, les mêmes qui fournissent des armes à Daech. Croyez-vous que c'est de la fiction? Oui, c'est de la fiction. Par exemple le groupe Dassaut, qui contrôle plusieurs médias, ne fournit aucune arme à Daech : au contraire, il fabrique les Rafale français qui bombardent l'Etat islamique. Le fait qu'il soit propriétaire du Figaro n'a pas d'impact sur le travail des journalistes. Ceux-ci sont tellement attachés à leur indépendance qu'un propriétaire de groupe de presse n'influe pas sur leur travail. Un patron de groupe de presse peut toutefois licencier des journalistes s'ils écrivaient trop de papiers contraires à ses intérêts. Mais cette situation n'est pas propre à la France. Ne croyez-vous qu'on assiste à un soutien médiatique à Al Qaïda et Daech pour les encourager à poursuivre la destruction de la Syrie et de l'Irak? En aucun cas ! Mais ce qui est une réalité, c'est que la majorité des médias français ont pris parti contre Bachar (comme ils l'avaient fait contre Kadhafi), sans véritablement réfléchir et parce c'est la ligne que suit la presse occidentale sous influence anglo-américaine. Encore une fois, je n'ai vu aucun média - et bien sûr aucun politique - faire remarquer que si l'Arabie saoudite et ses alliés avaient mobilisé le volume des forces terrestres et aériennes engagés contre le Yémen pour attaquer Daech en Irak et en Syrie, il n'en resterait pas grand-chose. Cela veut dire que pour Ryadh, Doha et leur alliés, les Houthis sont une menace plus grande que Daech… et qu'ils se satisfont donc de l'existence de cet Etat islamique contre lequel ils ne mènent que des actions symboliques, quand ils ne le soutiennent pas dans l'ombre. Le wahhabisme ne représente guère plus de 10% du sunnisme; or il est parvenu à imposer sa vision du monde et son interprétation de l'Islam à tous, musulmans comme Occidentaux. Il est temps que cela change. Heureusement, l'Arabie saoudite ne va pas si bien... Entretien réalisé par