Le procès de l'affaire Khalifa Bank s'est poursuivi hier au tribunal criminel de Blida par l'audition de prévenus pour les délits d'«abus de confiance» et «dissimulation de biens acquis d'un vol». Les accusés qui sont passés devant le juge Antar Menouar ont en majorité nié avoir gardé «sciemment» des biens appartenant au défunt groupe Khalifa. Premier à passer à la barre, le Français Jean-Bernard Phillan a été auditionné au sujet d'un ordinateur portable acquis au titre de sa fonction d'ex-directeur de l'exploitation d'Antinea, la défunte compagnie aérienne de Abdelmoumène Khelifa. Se défendant en dialecte algérois et se passant ainsi de traducteur, l'expatrié a soutenu n'avoir «pas eu l'intention» de garder le matériel informatique en sa possession, arguant ne l'avoir pas rendu en raison des données de la compagnie qui s'y trouvaient. Ceci d'autant plus que des «piratages» précédents ont eu lieu au sein d'Antinea et ce, au profit de compagnies concurrentielles, a-t-il poursuivi. Il a affirmé au juge Menouar avoir restitué en 2003 le véhicule de service acquis lors de son exercice et ce, dès le début du déclin de l'ex-empire Khalifa, de même que l'ordinateur en question afin d'éviter qu'il ne soit «exploité illégalement», ajoutant avoir saisi par écrit le liquidateur à deux reprises à ce sujet, mais en vain. «Je suis un Algérien et un fils de l'Algérie», a-t-il tenu à déclarer, ému, avant de préciser que sa famille a subi les affres de l'Organisation armée secrète française (OAS) durant la guerre de Libération nationale. «Personne ne doute de votre sincérité et vous comparaissez dans ce tribunal au même titre que n'importe quel autre citoyen», a rétorqué, rassurant, le juge Antar Menouar. Le tribunal a également auditionné l'accusé Rachid Bessehoua pour le délit de «dissimulation de biens acquis par vol», s'agissant d'un véhicule dont il a bénéficié dans le cadre d'un achat groupé de Khalifa Bank, alors qu'il n'avait aucun lien avec celui-ci. «C'est grâce à mon gendre Badreddine Chachoua qui occupait la fonction de directeur de la communication et du développement technique du groupe Khalifa que j'ai pu bénéficier des réductions proposées lors de cet achat», a-t-il expliqué, ajoutant avoir payé la somme de 200 millions de centimes pour ledit véhicule, inscrit en son propre nom. Auditionné pour le même délit, l'accusé El-Hadi El-Aggoun a répondu de l'achat d'une villa, dont le propriétaire était l'accusé détenu Abdelhafid Chachoua, chargé alors de la sécurité des fonds au sein du groupe dissous et qu'il a mise en vente dès le début de la liquidation de celui-ci. Sise au «Village des artistes» de Zéralda, la villa a été acquise au prix de 700 millions de centimes alors que sa valeur réelle, a relevé le juge Menouar, est de 3 milliards de centimes. Niant avoir un lien direct avec le dénommé Abdelhafid Chachoua, le prévenu a soutenu avoir conclu le contrat d'achat du bien avec le père de ce dernier, notant que la transaction a été achevée en «deux jours». Le procureur général Mohamed Zerg Erras l'interroge alors si cette vente «n'avait pas suscité sa curiosité», eu égard à l'emplacement et au prix de la villa, de même qu'à la célérité avec laquelle elle s'est effectuée. Lui succédant, Rachid Medjiba est poursuivi pour «abus de confiance» et «préjudices» occasionnés à l'ex-banque privée. Ce à quoi cet ancien cadre du ministère de la Poste et des Technologies de la Communication et de l'Information et anciennement arbitre international de football a affirmé avoir perçu des biens «d'accompagnement» de la part des entreprises l'ayant formé pendant son exercice à Khalifa Bank et «non pas par celle-ci». Le mis en cause a cité, à ce propos, la société française de télécommunications et d'électronique Sagem, avant de soutenir avoir signé en 2001 la décharge de délivrance de six (6) téléphones portables à la Caisse nationale des assurances sociales (CNAS), sur «instruction» de Abdelmoumène Khelifa. Deux des appareils en question, a relevé le juge Menouar, étaient utilisés par leurs destinataires au nom de Khalifa Bank et non pas en leur nom, ce que confirmera le prévenu, qui a ajouté avoir restitué en 2005 au liquidateur de ladite banque le véhicule de service acquis auprès de celle-ci. Anciennement directeur des Finances et de la Comptabilité à Khalifa Bank de 2001 à 2003, le prévenu Sid-Ahmed Haddadi s'est défendu d'avoir gardé à son niveau un téléphone et un ordinateur portables acquis pendant son exercice. Il a, en revanche, déclaré avoir remis à son ex-employeur, au moment de sa démission, le véhicule de fonction dont il avait bénéficié. Le mis en cause confirmera par écrit au juge avoir remis les premiers biens en 2004 après l'intervention du liquidateur du groupe. Egalement ancien cadre du ministère de la Poste et des Technologies de la Communication et de l'Information (PTIC), ce dernier a perdu l'usage de la parole à la suite d'un accident vasculaire cérébral.