Il est des coutumes que les populations algériennes ne voudraient oublier pour rien au monde. Même frappées de suspicions, voire prohibées par les inquisiteurs des temps modernes, certaines pratiques ne sont pas près de disparaître. Les populations rurales de la wilaya de Ain Defla continuent de croire aux pouvoirs métaphysiques des marabouts de leurs localités. Des coutumes qui restent à ce jour ancrées dans une société qui n'est pas près de changer bien que la religion musulmane tolère à peine ce genre de croyance et de pratique. Le degré d'instruction de ces populations n'a aucune incidence sur les us et coutumes. La croyance et le respect des marabouts font partie intégrante de notre culture. Ainsi, selon la tradition, pour pénétrer à l'intérieur du mausolée édifié en hommage au saint patron des lieux, le visiteur doit faire ses ablutions, ôter ses chaussures à l'entrée de l'édifice comme il lui est interdit de fumer, de dire des grossièretés ou de lorgner en direction d'une femme. L'intérieur du mausolée est réservé uniquement à la prière, à la méditation ou à la lecture des versets coraniques. Au niveau de la wilaya de Aïn Defla, chaque «aârch» ou tribu vénère un saint homme qui, selon la légende, fructifie ses récoltes, la soulage de ses souffrances, bénit sa progéniture, veille sur elle, la protège des malédictions et des malheurs et garde le cimetière de sa descendance. Des pratiques séculaires Ainsi, chaque marabout a un pouvoir qui le différencie des autres. Sidi Abdelkader que l'on retrouve sur toutes les cimes veille à la sécurité et le bien-être des populations ; Sidi Ahmed Benyoucef de Miliana a le don de rassurer l'angoissé, de répandre la sérénité et la réconciliation entre les différentes tribus du Zaccar ; Sidi Abbas de Djelida soigne les malades (victimes des djinns) et ceux victimes d'attaques cardio-vasculaires ; Sidi Abdellah d'El Amra guérit la stérilité alors que Sidi Belgacem de Djemaâ Ouled Cheikh protège ses descendants de la famine, du déshonneur, des calamités naturelles et de la misère... Cette année, ce sont les habitants de la commune de Djelida qui ont donné, le 17 avril dernier, le coup d'envoi aux waâdate, ces manifestations culturelles et religieuses qu'organise, bon an mal an, chaque tribu en hommage à son saint, le priant de la préserver de tous les maux, de protéger ses récoltes et de faire régner la fraternité et la paix dans la région. Cette rencontre leur a permis de se rassembler, de se revoir, de discuter, de partager leurs joies, d'enterrer leurs rancœurs et de tisser de nouveaux liens familiaux. Pour ne rester que dans les traditions, une fantasia exécutée par une centaine de cavaliers qui ont paradé sur le parcours tracé au milieu d'une foule enivrée par l'odeur du baroud. «La fumée du baroud préserve des djinns celui qui la hume», nous dit un mordu du cheval. Les meddahs chantent leurs «qacidate» sur les airs de la flûte et du tambourin et les talebs récitent le Coran. Pour la paix, l'entente et la sérénité Les visiteurs profitent de cette sorte de «foire» pour acheter de la «baraka», des confiseries, des fruits, des gâteaux et des bougies. «La bougie représente la lumière, les fruits sont les souhaits pour une progéniture respectueuse, bien élevée et saine de corps et d'esprit, alors que les confiseries sont le signe du bonheur et de la joie tandis que les gâteaux ramènent l'entente et la prospérité dans les foyers», explique Hadj Belgacem, un notable de Djemaâ Ouled Cheikh. Les Chikhaouis aussi bien que les visiteurs verseront une petite obole au groupe de sages qui les bénira de ses prières. «C'est également une occasion pour régler les litiges entre les personnes, une occasion pour renouer les liens entre ceux qui se sont disputés», indique ce notable. La fête s'est terminée avant la prière du vendredi par un grand couscous garni de viande, d'œufs, de raisins secs et de bonbons accompagné de lait caillé ou de petit lait offert à tous les présents. Les descendants de Sidi Moussa de la commune de Bourached avaient profité de l'occasion pour inviter les présents à leur «waâda» qui s'est tenue mercredi dernier. Ceux de Sidi Ahmed Ben Youcef organiseront leur pèlerinage (rokb) le 6 mai prochain en prenant le départ de la commune d'Arrib, à 6 kilomètres au nord de Aïn Defla, à destination du mausolée de Sidi Braham, à l'entrée de Cherchell alors que les Chikhaouis de Sidi Belgacem donneront rendez-vous à leurs convives la semaine qui suivra.