Le recul des prix du pétrole amorcé depuis une année commence à avoir des conséquences sur l'Algérie. «C'est une vérité», a reconnu hier à Alger le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, dans un discours prononcé lors de la rencontre avec les cadres du secteur de l'énergie, à laquelle ont assisté les ministres de l'Energie et des Finances. «Comment faire traverser à l'Algérie la zone de turbulences et faire émerger la diversité économique ? C'est une véritable course contre la montre», s'est inquiété Sellal, confiant tout de même quant à l'existence de capacités et de compétences pour réaliser cet objectif. «Nous demandons à tous d'adhérer à la démarche» pour atteindre un taux de croissance économique de 7% à l'horizon 2019», a-t-il lancé à l'adresse des cadres et travailleurs du secteur de l'énergie et à tous les travailleurs algériens d'une manière générale. La chute des prix à 55 dollars/baril a eu pour conséquence le recul des recettes d'exportations de 45%. Ce recul de recettes représente 9,3 milliards de dollars qui ne seront pas versées au Trésor, a-t-il relevé. Le Premier ministre, le visage fermé, a perdu son sourire habituel, exprimant des inquiétudes quant à l'avenir du pays suite à la chute des prix du baril. «L'inflation augmentera graduellement», a-t-il prévenu, ajoutant que son taux a atteint 4,96% en avril dernier. Les réserves de change sont également en baisse, avec la prévision de passer à 30 milliards de dollars en 2019 (si les prix de l'or noir seront de 60 dollars/baril) et à 9 milliards de dollars (pour un baril à 50 dollars). «Nous œuvrons à préserver les réserves de change», a assuré le Premier ministre, notant le maintien, dans le cadre du programme quinquennal 2015-2019, des projets à caractère social, hydraulique et de santé notamment. En revanche, la réalisation d'autres projets sera reportée aux prochaines années en cas de reprise à la hausse des cours du pétrole. «Nous n'avons pas connu de choc jusqu'à présent grâce, principalement, au remboursement par anticipation de la dette et la marge de manœuvre que possède encore le gouvernement», a-t-il déclaré face à des cadres du secteur. Le gouvernement a engagé une politique d'austérité concernant les dépenses de l'Etat et a décidé de recourir aux banques et au marché financier national pour lever les fonds nécessaires pour réaliser des investissements publics à caractère économique et des projets d'envergure comme le nouvel aéroport d'Alger. Le recours à l'endettement extérieur n'est pas envisagé, selon Sellal, sans toutefois trancher sur cette question. «L'Etat n'interdira pas les importations mais a pris des mesures pour les faire baisser», a rappelé le Premier ministre, déterminé aussi à lutter contre le transfert illicite des capitaux. De nouvelles mesures seront décidées dans le cadre de la loi de finances complémentaire 2015 qui sera prête en juillet prochain. Cette loi prévoit, entre autres mesures, la révision du crédit documentaire, de nouvelles dispositions pour lutter contre la fraude, en dépit des dispositions à la faveur des entreprises comme le réaménagement et la révision de la TAP et de l'IBS pour encourager les producteurs en dépit de la levée des entraves administratives et de nouvelles facilitations pour la création d'entreprises. Des mesures fiscales pour les producteurs «La LFC 2015 prévoit également des mesures pour augmenter les recettes fiscales», a-t-il annoncé. Le gouvernement prendra, par ailleurs, des mesures pour rationaliser la consommation d'énergie, sachant que la demande en essence augmente de 7,9%/an contre 6,7% pour le gasoil. Parmi les causes de ces hausses, notera Sellal, «le gaspillage et la contrebande» que compte combattre l'Etat énergiquement sans «recourir à la hausse de leurs tarifs». Il préconise de nouvelles dispositions pour ramener à la baisse la consommation de l'énergie, sans donner plus de détails. Le Premier ministre a appelé la compagnie nationale d'hydrocarbures à redoubler d'efforts et à intensifier les travaux de recherches et d'explorations. «Les études démontrent que nous n'utilisons pas nos pleins capacités dans le domaine de l'exploration et de l'exploitation des hydrocarbures», a relevé Sellal, précisant que la Sonatrach ne réalise que 14 puits/10 000 km contre une moyenne mondiale de 105 puits/10 000 km. «Nous sommes très loin», a-t-il insisté, en s'adressant aux cadres de Sonatrach, appelée à «se concentrer sur son métier». «Sonatrach doit développer ses capacités humaines, managériales et techniques pour accroître la production et passer à une nouvelle phase», a-t-il suggéré, appelant pour aller vers «l'émergence et non la défaillance». Le Premier ministre a estimé qu'«il est temps d'exploiter le potentiel minier national, car le niveau actuel est d'à peine 34%». Selon Sellal, la gestion de Sonatrach est entre les mains de ses responsables à condition d'atteindre les objectifs tracés par le gouvernement. Il a préconisé dans ce sens «la décentralisation» de la gestion au niveau de la compagnie nationale afin de donner aux cadres la possibilité de participer à la prise de décision. Sellal a appelé, par ailleurs, la compagnie nationale à s'investir davantage dans l'exploration et la production des hydrocarbures et leur valorisation, qui constituent un objectif stratégique. Tout en soulignant que les hydrocarbures constituent la principale source du budget de l'Etat et des réserves de change, il a considéré que l'accroissement de leur production permet aussi d'accompagner la croissance économique basée sur la production hors hydrocarbures.