L'historien et spécialiste en histoire de l'Algérie, Benjamin Stora, a donné une conférence avant-hier à la mairie de Paris intitulée «Les massacres de Sétif et de Guelma. L'histoire, les archives, la mémoire». Cette conférence a permis de lever le voile sur certains faits historiques souvent niés par la France officielle. Dès la début de son intervention, Stora a noté que beaucoup de pays dont la France se réunissent chaque année pour commémorer la fin de la Seconde Guerre mondiale, le 8 mai 1945. L'historien a tenu à rappeler que «ce jour fut aussi le début d'une tragédie qui endeuilla l'Algérie, à l'époque organisée en trois départements français». Stora est revenu sur l'origine des massacres de mai 1945 en Algérie en passant en revue tous les événements, à commencer par la naissance de l'Association des amis du manifeste, la déportation du leader indépendantiste Messali Hadj à Brazzaville et la famine qui avait ravagé les campagnes à cause d'une mauvaise récolte. La France, un pays en retard Pour Stora, «si les documents publics ne sont pas davantage accessibles, les jeunes chercheurs iront chercher ailleurs leurs sources, sur internet par exemple, réservoir inépuisable de récits quelquefois fantasmés et imaginaires. Sans travail historique sérieux comment transmettre une mémoire ? Cette question de la mémoire est devenue un véritable enjeu politique à l'échelle internationale». Le conférencier est revenu sur la loi du 23 février 2005 «reconnaissant le rôle positif du colonialisme dans les pays d'outre-mer, notamment les pays d'Afrique du Nord», qui a été par la suite abrogée par le président de la République française. Les Algériens demandent la reconnaissance officielle Le conférencier a tenu à informer l'assistance que «les Algériens demandent que la France reconnaisse le tort fait aux populations civiles par la pose de mines aux frontières pendant la guerre d'indépendance, les essais nucléaires au Sahara ou les bombardements au napalm dans le Nord-Constantinois». Au sujet de la question de la reconnaissance des massacres perpétrés par le colonialisme français en Algérie, il a indiqué que «la question qui se trouve posée à propos des massacres de mai-juin 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata reste celle de la reconnaissance par la France des exactions commises, geste que les Algériens attendent depuis plusieurs années», tout en rappelant la déclaration de l'ambassadeur de France en Algérie, Bernard Bajolet, en avril 2008 à l'université de Guelma disant que «le temps de la dénégation des massacres perpétrés par la colonisation en Algérie est terminé.» Stora a rappelé que l'ambassadeur avait signalé «la très lourde responsabilité des autorités françaises de l'époque dans ce déchaînement de folie meurtrière» et déclaré que «ces massacres ont fait insulte aux principes fondateurs de la République français et marqué son histoire d'une tache indélébile». Pour Stora, «ce discours est un tournant dans l'histoire tourmentée des relations franco-algériennes, un premier pas en avant». Evolution dans les déclarations Par ailleurs, à une question de la chaîne de télévision France 24 au sujet de la déclaration de l'ambassadeur français, Stora a répondu : «C'est une marque de reconnaissance de ce qui s'est passé durant la colonisation. On a déjà commencé à en parler durant l'été 2005, lorsque l'ancien ambassadeur avait qualifié ces évènements de ‘‘tragédie inexcusable''. Mais cette fois-ci on parle de ‘‘massacres''. On passe donc d'un constat de tragédie à une qualification des faits. On n'est pas encore dans une logique de politique d'excuse, mais dans le stade de reconnaissance.» Il a ajouté pour la même chaîne que cette déclaration a été devancée par d'autres, notamment celles de l'ancien ambassadeur De Verdière et du président Sarkozy à Constantine et Guelma. Selon l'historien, il y a eu graduation dans les déclarations qui contredisent le discours de l'antirepentance des dernières années en France.