Le fait le plus marquant dans la forêt, c'est la présence en grand nombre de chevaux utilisés par des jeunes proposant des tournées aux visiteurs à des tarifs qui oscillent entre 50 et 300 DA. Le parc de Bouchaoui est devenu ces derniers temps La Mecque de centaines de familles à la recherche de repos et de distractions pour leurs enfants. «Ghabat Bouchaoui», comme aiment à l'appeler ses visiteurs, est l'endroit idoine pour un week-end et un pique-nique en pleine nature, d'autant que toutes les conditions sont réunies pour profiter d'un moment de répit bien mérité après une semaine de labeur. L'aménagement reste, malgré les efforts consentis par les autorités locales, en deçà des normes connues à travers le monde. Des restaurants poussent comme des champignons, mais demeurent malheureusement sans contrôle et sans certificat d'hygiène. Des vendeurs de cacahuètes, de thé et autres marchands de jouets pour enfants meublent ce décor déjà admirable. Mais y a-t-il des lois régissant ces endroits ? L'endroit est-il un lieu de commerce informel ? Pas de réponse, même chez ces vendeurs qui rejettent souvent la balle dans le camp du client à qui «ils rendent service». Black, un pur-sang anglais Le fait le plus marquant durant notre visite est assurément la présence en grand nombre de chevaux. De jeunes habitants de la région nous expliquent l'existence de ce nombre croissant de chevaux dans cette aire de jeux algéroise. Samir est propriétaire de Black, un pur-sang anglais de trois ans et demi : «Il est né chez moi, sa mère est morte en mettant bas ; je considère ce cheval comme un petit frère.» Le jeune cavalier est très affecté par la mort de Julia, la mère de Black : «Une équipe de la Télévision algérienne est venue chez moi pour un reportage, et après la diffusion dudit reportage de deux jours, la jument décède. Aynouha ya kho !» (le mauvais œil mon frère !). Sadek arrive de loin au galop sur son corpulent cheval barbe noir et blanc : «Non, ne prenez pas de photos, j'ai encore besoin de mon cheval», lance-t-il à notre égard. Nous avons interrogé le jeune sur les raisons de son refus : «Un journal arabophone a tué deux de mes chevaux ; vous, les journalistes, vous avez des yeux très perçants.» Et c'est le fou rire… Apparemment, les journalistes ont la réputation bien établie de porter malheur aux chevaux !!! Salem, un habitué des lieux, est propriétaire et dresseur de chevaux depuis 12 ans. Ce quadragénaire nous propose de l'accompagner chez lui pour nous montrer son écurie et voir les conditions dans lesquelles vivent ces animaux. «Le cheval ne doit sa vie qu'au travail qu'il effectue, notamment les week-ends.» A ce sujet justement, nous avons voulu connaître les paramètres sur lesquels les «loueurs de chevaux» se basent pour fixer les prix. «Vous savez, il est très difficile de fixer un tarif. Croyez-moi, il m'arrive d'offrir des tours à cheval gracieusement ; généralement, nous le faisons pour les enfants dont les parents ne peuvent pas se permettre une randonnée à 400 ou 600 DA», explique encore Salem. Quand le contrôle vétérinaire coûte les yeux de la tête Il est à signaler par ailleurs que la plupart des propriétaires de ces chevaux sont des gens à revenus moyens ; l'ensemble de ces jeunes vivent de cette activité «touristique» et font vivre leurs bêtes grâce aux maigres recettes de leur location. Abdellah, le frère cadet de Salem, nous dira : «C'est infernal, une botte de foin coûte au moins 500 DA, et ce qu'on appelle communément "l'aliment" varie entre 2700 et 3000 DA le quintal. (…) Je ne parle pas de l'entretien et des contrôles vétérinaires qui coûtent les yeux de la tête. L'entretien d'un cheval revient très cher.» L'écurie de Salem recèle une douzaine de chevaux, dont trois pur-sang arabes. Une race très prisée et très chère. Selon notre interlocuteur, «le prix d'un pur-sang arabe avoisine les 120 voire les 130 millions de centimes. (…) De nos jours, cette race manque, car les éleveurs ne peuvent plus faire face à la cherté de l'élevage des chevaux qui ne sont pas rentables». Concernant les soins et autres vaccins, notre hôte nous relate l'une des mauvaises aventures qu'il a eues avec son étalon : «J'avais un pur-sang arabe qui devait avoir à l'époque 6 ans ; il était d'une intelligence rare et d'une force inégalable. Un jour il a été piqué par un scorpion je pense, et j'ai dû le soigner avec des moyens rudimentaires, le jus d'une plante médicinale conseillé par mon voisin, et deux jours après, l'étalon ne pouvait ni marcher ni se mettre debout. Quand j'ai fait appel à un vétérinaire, ce dernier l'a sauvé, mais à quel prix : 70 000 DA. Vous imaginez, 70 000 DA pour un simple éleveur, c'est un capital, soit cinq camions de foin», tonne Salem l'éleveur. Le souhait de ces propriétaires de chevaux est que l'Etat, notamment le ministère de l'Agriculture, prenne charge et aide ce secteur qui peut être générateur d'un tourisme local très fructueux. Avant de quitter cet endroit féerique, une balade à cheval nous est offerte par Salem et ses amis.