Le village de Sidi El Bachir, un hameau situé à l'entrée est de la ville d'Oran, a été durant la nuit de mercredi otage d'une bande de malfaiteurs qui a semé la violence et brûlé le marché, faisant perdre à des commerçants des millions de dinars. Jeudi dans la matinée, la situation est restée tendue et les visages de tous ceux que nous avons approchés étaient tirés à cause d'une nuit blanche passée à garder leurs maisons, ou à courir derrière les intrus venus, selon de nombreux témoignages, d'un quartier appelé Château, situé à un jet de pierre du village. «Ce sont des malfaiteurs et des voyous qui viennent chaque jour nous importuner et s'attaquer à nos clients qu'ils ont fait fuir. Mardi, des commerçants ont décidé de réagir en les chassant. Après une bagarre, ils ont quitté les lieux, mais dans la nuit de mercredi, ils sont venus en grand nombre pour incendier le marché et s'attaquer à des habitations. Nous avons sollicité les gendarmes, mais ils ne sont pas venus. Ils nous ont laissés seuls face à ces énergumènes armés de sabres, de haches et munis d'assiettes de paraboles qu'ils utilisaient comme boucliers», dira un habitant qui active comme quincaillier dans le marché et qui a estimé ses pertes, à la suite de l'incendie, à 150 millions de centimes. Dans la journée de jeudi, par mesure de précaution, les élèves d'une école primaire et d'un lycée ont été renvoyés chez eux, et tous les villageois étaient aux aguets, tentant de démasquer les probables auteurs de l'incendie du marché. «Ils ont mis le feu au marché et ont installé des barricades sur la route pour empêcher l'arrivée des camions extincteurs de la Protection civile. Nous avons tenté vainement d'éteindre le feu, mais avec des moyens dérisoires nous n'avons fait que constater les dégâts», dira un habitant. Un village érigé sans aucune urbanisation Château, un fatras de maisons érigées sans respect de la moindre norme urbanistique, abrite des centaines de familles issues de l'exode rural généré par les massacres perpétrés durant la décennie noire. Il fait face à un immense bidonville venu lui aussi s'incruster dans le paysage de favelas qu'offre Sidi El Bachir depuis des années. «La localité compte la plus grande concentration de la population dans la wilaya d'Oran. Durant les années 80, le mètre carré était cédé à un prix dérisoire. C'est ce qui explique sa forte densité. Aujourd'hui, le village manque de tout par la faute de cette urbanisation non contrôlée», dira un élu d'Oran. Le village dispose d'une brigade de gendarmerie, «mais que peut faire une poignée de gendarmes devant une meute de malfaiteurs qui se déplacent à travers le dédale de rues qu'ils connaissent bien pour y avoir grandi. Il faut des renforts et une sûreté urbaine pour circonscrire le phénomène de la violence, affirme un habitant. Jeudi, un grand nombre de villageois étaient munis de bâton, de barres de fer et de toutes autres armes blanches qui pouvaient leur tomber sous la main. Le village voulait sortir de la terreur que lui imposaient ces bandes. L'espace était livré à la loi du Talion et chacun pouvait faire ce qu'il lui plaisait. «Nous allons leur faire la peau. Moi je risque de perdre mon épouse qui a sombré dans le coma depuis qu'elle a su que j'ai tout perdu dans l'incendie du marché. Je vais me faire justice. Les gendarmes attendent l'arrivée des renforts, mais entre temps, ces voyous continuent de se mouvoir dans le village et d'agresser les gens», dira un habitant. Quelques journalistes présents sur les lieux étaient invités à prendre des témoignages, des photos. Les faits sont gonflés à chaque récit, mais tous s'accordent à dire que la situation est devenue intenable et que la violence urbaine a gagné en intensité ces dernières années. «Il ne se passe pas un jour sans que de paisibles citoyens soient agressés ou dépouillés de leurs biens. L'insécurité règne à Sidi El Bachir, pourtant situé aux portes d'Oran. Ces bandes constituées en majorité de repris de justice agissent en terrain conquis, ce n'est pas logique», affirment des citoyens. Jeudi en fin de journée, un important dispositif de sécurité était en place et des barrages de la gendarmerie ont été installés dans les différentes voies donnant accès à Sid el Bachir. Selon certains habitants, des arrestations parmi un groupe de fauteurs de troubles auraient été opérées tard dans la soirée. Toutefois, en l'absence de bilan des services de sécurité, le nombre d'individus interpellés ou de blessés durant ces événements ne peut être avancé.