Une vraie ville fantôme dans un décor pour le moins surprenant... Les automobilistes qui ont choisi, jeudi après-midi, de traverser la ville de Bordj Bou Arréridj au lieu d'emprunter l'évitement sud, histoire de faire une simple halte ou de se désaltérer, avaient de quoi être interloqués devant l'aspect plutôt irréel de la cité. Vide, désertée, fantomatique, les qualificatifs peuvent manquer pour décrire Bordj Bou Arréridj au moment du coup d'envoi à Blida, à près de 300 km de là, de la finale de la Coupe d'Algérie de football. Habituellement pétillante, grouillante de monde, la ville semble écrasée sous un impressionnant silence, accentué par la chaleur torride qui enveloppe toute la région en cette fin de printemps. L'ambiance complètement «déjantée» qui avait régné la veille dans la capitale des Bibans, faite de concerts de klaxons, de trompettes et de tambours, tranche terriblement avec le silence et la sérénité apparente de la ville. Les tout derniers klaxons ont été entendus très tôt dans la matinée de jeudi, œuvre des automobilistes retardataires ou qui se sont décidés au dernier moment à assister sur place à la finale historique du CABBA. «Ils sont tous à Blida pour voir el balou (le ballon)», lance une vieille femme en s'échinant à laver une peau de mouton devant sa maison. Sans cesser de taper sur la peau humide avec un bâton, elle ne cache pas son bonheur devant le calme de son quartier (El Djebass), habituellement bruyant : «Pour une fois que mon époux peut faire tranquillement sa sieste». «Tous à Blida», sûrement pas, mais «tous devant le poste de télévision», ça, oui. 20 000 ont eu la chance de rallier la ville des Roses, mais les dizaines de milliers de supporters contraints de rester à Bordj ont tout laissé tomber pour se planter, le cœur battant la chamade, devant leur petit écran. Un spectacle qu'ils ne rateraient pour rien au monde, même si la terre s'arrêterait de tourner ! Des quelques cafés restés ouverts ou des rares boutiques qui n'ont pas baissé rideau, les clameurs du stade Tchaker et les voix des commentateurs arrivaient jusque dans la rue, par poste TV interposé. «Ouache, b'daou ?» (ils ont commencé ?), lance un quadragénaire en rentrant précipitamment chez lui. Le temps s'est arrêté à Bordj Bou Arréridj, jeudi à 16h.