Décidément, les décisions concernant la gestion de la capitale se contredisent à telle enseigne qu'elles relèvent parfois du ridicule. L'on se rappelle à ce sujet la «courageuse» instruction de Sellal, prise dès sa nomination à la tête du gouvernement, d'éradiquer les marchés informels à travers tout le territoire. A Alger, vitrine du pays, cette décision fut appliquée avec zèle, mettant à rude épreuve ceux qui étaient chargés de son application. Du jour au lendemain, la force publique s'est vu confier la mission de faire la chasse aux petits vendeurs, eux qui durant de longues années n'avaient pas été inquiétés, gagnant de quoi vivre modestement. Des milliers de jeunes et moins jeunes ont alors protesté contre des mesures dont on peut dire qu'elles furent irréfléchies, quand on sait que la majorité d'entre eux n'avait pas d'autre alternative pour subvenir aux besoins de leur famille. Le gouvernement avait annoncé, pour calmer les esprits, qu'une opération de création de marchés parisiens était en cours de lancement en plusieurs points de la capitale. Au bout de quelques mois, tout le monde s'est rendu compte que ce n'était qu'un cautère sur une jambe de bois et que l'opération en question demandait plus de temps qu'on ne pensait. «Tout simplement, on a mis la charrue avant les bœufs», dira à l'époque un ancien de la direction du commerce. S'il est vrai en effet que l'installation d'un marché parisien n'est pas une entreprise compliquée, il faut savoir en revanche que le problème au niveau d'Alger se pose en matière de manque de foncier, déjà que les autorités de la wilaya trouvent de sacrées difficultés à concrétiser des projets d'utilité publique. Cela étant, revenons à l'essentiel : l'échec de l'opération de lutte contre l'informel ne tarda pas à se montrer au grand jour et les pouvoirs publics durent se résigner à accepter l'évidence d'un constat d'échec. La nature ayant horreur du vide, les «lieux informels» renouent en un temps record avec les mêmes habitudes. Les citoyens qui criaient leur colère hier et demandaient à reprendre leur droit à disposer du trottoir sont les premiers clients à saluer le geste de l'Etat de fermer les yeux sur cette pratique. Un compromis gagnant-gagnant. Les marchandises ne seront plus exposées sur les trottoirs Cependant, et dans la même optique, une autre décision vient de voir le jour au niveau des services du secteur du commerce interdisant aux commerçants de se limiter, pour exposer leurs marchandises à l'espace du local dont ils ont l'exploitation. En d'autres termes, il ne sera plus toléré à ces derniers d'utiliser le moindre pouce de trottoir. Une louable initiative, peut-on dire, puisque cet espace est réservé en principe aux seuls piétons. Mais cette règle n'est souvent pas respectée et les cas sont légion. Plusieurs commerçants soutiennent que des vendeurs à la sauvette, qui avec des caisses de fruits et légumes, qui avec des articles de mercerie et des bibelots, viennent squatter carrément les trottoirs. Constat que nous avons pu effectivement confirmer dans plusieurs quartiers des hauteurs d'Alger. «J'ai été verbalisé par les services compétents et on m'a fait savoir par ailleurs que je devais m'attendre à une fermeture de mon commerce par les services de la daïra. Tout cela pour avoir dépassé le seuil de mon magasin, pendant que des vendeurs informels ne payant aucun sou au Trésor public me narguent en face», dira ce commerçant. Il faut dire que ces vendeurs à la sauvette s'installent généralement en fin d'après-midi lorsque les policiers quittent le service. C'est à ce moment aussi, coïncidant avec la sortie des bureaux, que le commerce est le plus rentable. Ainsi, les pouvoirs publics se mettent en porte-à-faux avec la loi où une dichotomie déguisée est constatée. Sinon, comment expliquer l'application d'une infraction contre un commerçant exerçant en toute légalité et laisser un autre exercer une activité illicite ? Loin de vouloir défendre les uns et condamner les autres, l'on se trouve ici devant une situation qui mérite une solution équitable. Concurrence déloyale «Ces vendeurs qui s'installent devant nos magasins nous causent du tort à plus d'un titre, à commencer par la concurrence déloyale pratiquée au vu et au su des autorités. Les prix des produits sont généralement plus bas que dans le magasin, ce qui pousse les petites bourses à aller vers eux pendant que nous, commerçants déclarés, subissons un manque à gagner. Et quand il s'agit de payer les impôts, le moindre retard génère une grosse pénalité», explique ce marchand de fruits et légumes dont le magasin est cerné par des petits vendeurs à la sauvette et, cerise sur le gâteau, parmi eux un vendeur de poisson. Du coup, ces commerçants se posent la question de savoir à quel jeu jouent les autorités qui, au lieu d'œuvrer à éradiquer le commerce informel, prennent les choses à contre-courant même si la réglementation doit être appliquée aux dépassements de quelque nature qu'elle soit. Il s'agit de faire la part des choses et le bon sens dicte dans ces conditions de prendre en charge d'un côté ceux qui activent dans le marché informel en prévoyant des marchés de proximité contrôlés par les services de la DCP et de la municipalité, et de l'autre instaurer une discipline aux commerçants exerçant légalement. L'application de la loi dans ce cadre ne pourrait être remise en cause.