C'est désormais une habitude, le mois de Ramadhan est devenu une aubaine inespérée pour les vendeurs à la sauvette qui mettent à profit l'opportunité de ce mois sacré pour écouler une marchandise dont la qualité est souvent douteuse. Ce genre de commerce illégal qui a déjà «pignon sur rue» a pris de l'ampleur en se propageant à une vitesse vertigineuse durant ce mois de carême où la consommation des ménages va crescendo. Le phénomène ne semble pas, en effet, lâcher du lest, en dépit des mesures prises par les pouvoirs publics. La preuve, les vendeurs à la sauvette ont pris d'assaut les différents marchés de la capitale, avec tous les préjudices que cela porte au commerce légal et à l'économie nationale. Une tournée dans plusieurs marchés à Alger permet de constater que ce genre de commerce connaît une forte propagation, au grand dam des commerçants qui exercent dans la légalité. Ainsi, le marché communal de Staouéli (ouest d'Alger) s'est transformé, en ce mois sacré de Ramadhan, en un véritable capharnaüm où l'on trouve de tout, du marchand de poissons au vendeur de «dioul» en passant par les autres vendeurs à la sauvette qui étalent à même le sol des produits pourtant périssables. Un véritable «fourre-tout» Ces pratiques, devenues monnaie courante, se font au détriment de l'hygiène et de la santé du citoyen qui, impuissant, se contente d'observer la scène. Ce marché qui a toujours été la principale place commerçante de Staouéli, est devenu, ces derniers temps, un véritable «fourre-tout», causant un grand préjudice à l'image de cette ville touristique. Ces vendeurs exposent les mêmes produits que ceux vendus dans les magasins, mais à des prix relativement moins chers. Selon un des commerçants du coin, «ils (ces vendeurs) ont été chassés par la police, mais ils sont revenus en force en ce mois de Ramadhan, à tel point qu'ils ont squatté les trottoirs au vu et au su de tout le monde». «Ils proposent des produits à bas prix, mais de mauvaise qualité parfois périmés», a-t-il confié, relevant que ces vendeurs «ne paient ni les impôts, ni le loyer». Pour le propriétaire d'un magasin d'habillement, il s'agit d'un fléau qui a pris de l'ampleur et qui pénalise sérieusement le commerce légal. «Nous comprenons parfaitement la situation de ces jeunes qui, n'ayant pas trouvé d'emploi, recourent à ce genre de pratiques, mais l'Etat doit leur trouver une solution en régulant leur activité pour qu'ils puissent exercer dans la légalité», a-t-il suggéré. En revanche, le principal marché de la ville de Chéraga commence à «respirer» après avoir été débarrassé des nombreux vendeurs de fortune installés sur la voie publique, gênant ainsi toute circulation piétonnière. Toutefois, cela n'a pas empêché des vendeurs occasionnels de venir se greffer aux activités des commerces réguliers et de leur imposer une concurrence déloyale, difficile à admettre pour certains. Le même constat est également valable pour les autres marchés de la capitale, comme c'est le cas du marché des «Trois Horloges» à Bab El Oued où, à l'intérieur comme à l'extérieur, les vendeurs de fortune sont quotidiennement omniprésents. Des lieux de prédilection pour les habitants de la capitale Ce marché se trouve au bord de l'asphyxie, en raison de la prolifération des commerçants ambulants qui squattent le moindre espace pour en faire de véritables étals où sont commercialisées toutes sortes de produits locaux et d'importation. Riadh, vendeur à la sauvette, qui s'est «spécialisé» depuis plusieurs années, dans le commerce de produits alimentaires, expose sa marchandise sur un étal de fortune qu'il a lui-même confectionné. «C'est grâce à ce commerce que je fais vivre ma petite famille de quatre personnes», a-t-il confié, tout en reconnaissant qu'il s'agit là d'une pratique illégale. «Que voulez-vous que je fasse, moi qui suis chômeur et n'ai aucune autre ressource financière», a-t-il fait valoir, avant de lancer un appel aux autorités publiques pour aider ces vendeurs du commerce informel à exercer dans la légalité. Quant aux consommateurs, ces marchés, à l'instar de ceux de Ben Omar (Kouba), la place des Martyrs, Belouizdad, El Madania et Boumaâti (El Harrach), sont devenus des lieux de prédilection pour les habitants de la capitale, en raison de la variété des produits vendus et leurs prix abordables. Ils tiennent à fréquenter de tels endroits dans l'espoir de faire quelques économies, inconscients des dangers pouvant découler du manque d'hygiène, notamment pour ce qui est des produits alimentaires tels les conserves, les fromages et les gâteaux qui restent exposés, tout au long de la journée, aux rayons du soleil. «Je suis habitué à faire mes courses dans ce genre de marchés, car j'y trouve tout ce dont j'ai besoin», affirme un client, le couffin à la main, ajoutant qu'il «n'a cure» de ce qui se dit sur la qualité des produits proposés par ces vendeurs à la sauvette. Cet avis n'est cependant pas partagé par d'autres consommateurs qui font de l'hygiène et de la qualité des produits leur souci majeur. C'est le cas d'une sexagénaire, rencontrée au marché de Chéraga, qui soutient mordicus faire toujours ses courses chez les commerçants légaux, «même si je paie plus cher», dit-elle. Les campagnes d'assainissement menées auparavant par les autorités ont permis, certes, de freiner quelque peu ce phénomène sans pour autant parvenir à l'éradiquer définitivement. Le ministre du Commerce, El Hachemi Djaâboub, a affirmé que le programme de son département pour les cinq prochaines années, comporte de nouvelles mesures qui seront un moyen «efficace» de mettre fin au fléau des marchés informels. Il a souligné également que le phénomène des marchés informels «affecte l'environnement en général, porte préjudice aux commerçants qui exercent légalement et paient leurs impôts et loyers et affecte toute l'économie du pays».