Le fait est loin d'être anodin. Le ministre d'Etat, directeur de cabinet, Ahmed Ouyahia, étoffe son CV à la présidence de la République. Il vient fraîchement d'hériter de nouvelles directions aussi importantes que sensibles qui n'étaient pas sous ses commandes. Le décret présidentiel n° 15-203 du 10 Chaoual 1436 correspondant au 26 juillet 2015 modifiant le décret présidentiel n° 01-197 du Aouel Joumada El Oula 1422 correspondant au 22 juillet 2001 fixant les attributions et l'organisation des services de la présidence de la République a officialisé les nouvelles attributions de Ouyahia. L'article 13 de ce décret ainsi modifié stipule que la direction générale du protocole, la direction de la presse et de la communication, la direction des requêtes et des relations avec les citoyens et enfin la direction de l'interprétariat et de la calligraphie sont attribuées au directeur de cabinet. De fait, Ahmed Ouyahia voit sa cote grandir de façon substantielle dans l'organigramme de la présidence de la République. Diriger le cabinet du Président est déjà un poste ultra-sensible qui suppose une belle osmose entre les deux hommes. En décidant de lui confier de nouvelles responsabilités non moins importantes, le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, témoigne incontestablement de sa reconnaissance à Ouyahia pour le travail qu'il accomplit au palais d'El Mouradia. Et, connaissant l'importance stratégique des directions de la communication et du protocole notamment, on prend toute la mesure de cette montée en grade d'Ahmed Ouyahia que le landerneau algérois a enterré plusieurs fois. Plus de pouvoirs au palais Ce surcroît de pouvoirs fait de l'ex-chef du gouvernement un homme clé au palais présidentiel où tout devra passer par lui, mis à part la sécurité présidentielle qui relève logiquement des services compétents. Ouyahia va désormais contrôler toute la communication de la présidence au niveau interne et externe pour peut-être la rendre plus fluide mais surtout plus percutante dans un contexte caractérisé par un foisonnement de questions. Son premier acte de com' aura été peut-être la publication la semaine dernière de la synthèse des 114 rencontres qu'il a tenues entre le 1er juin et le 8 juillet avec des personnalités nationales, des partis politiques, des associations et organisations ainsi que des compétences universitaires à propos de la révision de la Constitution. Une diffusion qui a été largement commentée par la presse… La direction du protocole qui passe entre ses mains va aussi lui permettre en quelque sorte de gérer la communication à l'international. C'est lui qui va, en effet, donner le tempo sur les aspects protocolaires liés aux visites de chefs d'Etat étrangers et autres hauts responsables devant recevoir un accueil présidentiel. Il est vrai que l'homme est un habitué de ce genre de missions et connaît parfaitement les arcanes du palais qu'il a fréquentées au même poste en 1994 sous la présidence de Liamine Zeroual. Alors qu'il est souvent présenté par certains milieux comme un «adversaire» non déclaré du Président, cette promotion confirme qu'Ouyahia est plutôt dans les bonnes grâces de Bouteflika. Il ne rate au demeurant aucune occasion de le faire savoir publiquement, lui qui invite souvent les leaders de l'opposition qui réclament une transition à attendre 2019. Un tremplin ? Sans doute que le président Bouteflika a besoin d'un homme de la trempe d'Ouyahia pour gérer au mieux le palais d'El Mouradia. Diplomate, commis de l'Etat et homme politique de premier plan à la tête du RND, et par ailleurs «bon client» des médias, Ahmed Ouyahia est assurément fait pour le job. De là à trancher que ces nouvelles attributions pourraient lui servir de rampe de lancement pour un destin national, c'est un pas difficile à franchir. Ahmed Ouyahia est certainement un homme ambitieux qui caresse le doux rêve d'être, un jour peut-être, le maître du palais pour de vrai. Beaucoup avaient prononcé l'oraison funèbre de sa mort politique après son limogeage en 2012 du poste de Premier ministre. Mais il a étonné partisans et adversaires en revenant deux ans plus tard avec une double casquette de ministre d'Etat, directeur de cabinet du Président en pleine campagne électorale avec Abdelaziz Belkhadem. Alors que ce dernier a été «excommunié» publiquement, Ouyahia, lui, garde les clés du palais, et revient petit à petit sur le devant de la scène. Son retour à la tête de son parti n'est pas non plus le fruit du hasard. Lors de sa première conférence de presse en tant que SG par intérim du parti, Ouyahia en a profité pour dégonfler la polémique née des félicitations envoyées par Gaid Salah à Amar Saâdani suite à sa réélection à la tête du FLN. Il avait également défendu publiquement le chef du DRS, le général Toufik, sans lequel «je ne serais pas ici pour vous parler». Ouyahia est aussi un encaisseur de coups qui s'astreint à une discipline martiale en plus d'être un homme d'Etat qui sait faire la part des choses quand la cohésion et la sécurité nationale le commandent.