C'est la rentrée scolaire aujourd'hui. Bien sûr qu'il subsistera toujours un bout de magie de ce moment à chacun de ses renouvellements. On a beau dire, il y a de la palpitation comme dans toutes les «premières fois». De la vie ou de l'année, différemment. Les trouble-fête, les rabat-joie, les grincheux, les haineux, les aigris, les déçus … les réalistes et les lucides n'y pourront rien. Une rentrée scolaire reste un moment exceptionnel que rien ni personne ne peut perturber, même si ce ne sont pas les raisons qui manquent pour cela. Mais il n'y a pas que l'émotion dans la vie. Il y a la… vraie vie et plein d'autres choses encore pour que l'école puisse encore nous émouvoir et nous faire penser à des lendemains qui chantent pour notre progéniture. Et en la matière, il n'est pas besoin d'être particulièrement grincheux ou aigri pour faire le dur constat : l'école ne nous fait plus rêver comme avant. Même si bon an mal an, on s'y accroche. D'abord, parce qu'il y a encore quelques bonnes âmes qui permettent d'entretenir l'illusion. Y compris en assurant le minimum formel, pas toujours évident, les choses étant au point où elles sont. Ensuite, même «au point où en sont les choses», il est toujours trop tôt pour se résigner, si tant est qu'il y ait un temps pour la résignation. Cette année, comme depuis longtemps maintenant, faute de nous faire rêver, les préposés à l'éducation vont nous sortir les chiffres cache-misère. Le nombre d'élèves qui vont prendre le chemin des écoles, des collèges et des lycées sera supérieur à celui de l'année passée. Comme celui de l'année passée était supérieur à celui de l'année d'avant. Comme celui de l'année prochaine sera plus important que celui de cette année. Ça devient fatigant et c'est normal. La population augmente parce que quand il n'y a rien à faire, il faut bien faire des enfants. La mutation démographique n'est pas «à l'ordre du jour», pour parler comme on parle dans le gouvernement. Les chiffres, surtout quand ils proviennent d'une seule source, ça vous fait un bilan, quand le bilan est désespérant dans la vraie vie. Il faut les détailler, pour allonger les performances factices. Il y aura le nombre global d'élèves. C'est mortellement ringard, mais dans le nombre «global», on nous donnera encore la proportion des deux sexes. On pensait qu'il n'y avait que des enfants, on (re) découvre que nous avons des garçons et des filles. Il y aura le nombre des «nouveaux», histoire d'apprendre qu'en Algérie, il y a des Algériens qui ont six ans à chaque automne. De nouveaux écoliers mais aussi de nouveaux «établissements». Tout va bien mais on a toujours besoin de nous «rassurer» : les prix du pétrole dégringolent dangereusement mais on «construit». Il y aura les chiffres «par wilaya». Dans un pays où on habite sur un sixième de sa superficie, on nous informera que certaines régions sont plus peuplées que d'autres. Il fallait la trouver, celle-là. Il y aura le nombre de nouveaux enseignants, c'est-à-dire des grévistes potentiels. Mme Benghebrit parlera ce soir à la télévision. On ne sait pas si elle abordera les questions qui fâchent. Enfin, si on lui permet de parler. Pour l'instant, elle en a trop dit ou pas assez. Les chiffres, ce n'est pas vraiment son truc, la ministre de l'Education. Et c'est sans doute ce qu'il y a d'intéressant dans cette rentrée. Il y a une lettre, en plus des chiffres. Slimane Laouari Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.