C'est aujourd'hui en principe que le ministère de l'Agriculture tranchera sur le dossier épineux du prix du lait cru. Préférant parler de «restructuration de la filière», étant donné que les prix ne sont pour le ministère qu'une question conjoncturelle née des dernières années de sécheresse qu'a connue le pays, pour les éleveurs, c'est la clé de voûte de l'élevage bovin laitier en Algérie. Car pour eux, si les prix de leur production ne sont pas revus à la hausse d'ici la fin de l'année, il y a un risque que la «profession d'éleveur disparaisse», selon les dires du président d'une fédération d'éleveurs d'une wilaya de l'est du pays. Si chacun des antagonistes s'est construit son idée sur la question des prix, les transformateurs semblent déterminés à ne pas débourser un centime de plus pour l'acquisition du lait cru produit localement, d'ailleurs largement concurrencé par la poudre de lait importée et subventionnée par l'Etat. Au contraire, ils souhaiteraient que les pouvoirs publics mettent encore la main à la poche et fassent en sorte de les exonérer de certaines taxes et impôts. En parallèle, ils disent ne pas trouver leur compte avec «les petits élevages» dont la production de lait cru n'est pas régulière, mais surtout pour la «qualité qui n'est pas au top», tant les conditions de traite et de stockage sont à revoir. Sur cette question précise, les éleveurs disent avoir compris que les laiteries, avec le concours de certains lobbies de la poudre, veulent les «éliminer» ; ils font donc appel aux pouvoirs publics pour venir à leur secours. En réclamant 65 DA pour chaque litre vendu aux laiteries, ils espèrent obtenir au moins 55 dinars et rentrer ainsi dans leurs frais. De nos jours, le lait est cédé à environ 40 DA et le gouvernement pourrait approuver le prix plancher de 47 DA/litre, subvention comprise. Jouant le rôle d'arbitre, le ministère de l'Agriculture tentera à travers sa réponse d'aujourd'hui de réunir tout ce monde autour de cette filière à préserver contre toute tension qui pourrait la déstabiliser. Autosuffisance et exportation à l'horizon 2019, ambition ou utopie ? Si des mesures d'urgence ont été prises pour sauver un tant soit peu la filière de l'asphyxie en adoptant des mesures telles que l'intégration par les éleveurs de l'activité de collecte ou encore s'approvisionner en son directement auprès des minoteries, le département de Sid Ahmed Ferroukhi voit grand pour l'avenir de la filière. En insistant sur la nécessité de la restructuration de l'interprofession pour une plus grande professionnalisation, le ministère envisage que le pays atteindra en 2019 son autosuffisance en lait, voire exportera même le surplus en forme de poudre. «Un leurre», selon les professionnels de la filière et des agronomes qui rappellent que l'Algérie est un pays semi-aride, alors que la vache laitière a constamment besoin de fourrage vert pour donner du lait. Un fourrage qui nécessite à son tour beaucoup d'eau.