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Hommage à Isabelle Eberhardt : Soleil migrateur
Publié dans Le Temps d'Algérie le 20 - 10 - 2015

La belle folie ! Fugue violente ou s'excipe la douleur. Mirage dans le bleu d'une oasis. Le rêve n'a pas de frontières. Il est colombe quand il exprime la paix. Exil. Douleur du corps. Désir insoutenable. L'âme se noie impétueusement dans les cris déchirants des sphères sublimes.
Tumultueusement, Isabelle Eberhardt s'en alla avec l'ardente raison d'être amalgamée avec les bribes de vie dans le désert de l'oubli. «Si mon destin est de mourir ici, dans le désert chenu, pas une main fraternelle ne s'étendra sur mes yeux morts… Au dernier moment terrestre, pas une bouche fraternelle ne s'ouvrira pour la consolation ou la caresse.»
C'est quelques mois seulement avant sa mort tragique, qu'elle avait inscrit dans ses carnets intimes, cette prémonition inquiétante.
Isabelle Eberhardt est morte noyée, le 27 octobre 1904. Elle n'avait que 27 ans. L'oued jaune auquel la ville doit son nom (Aïn Sefra) qui, ordinairement, est à sec en cette saison, se transforme en torrent qui envahit tous les quartiers de la ville.
La maison d'Isabelle se trouva submergée par les eaux.
Les murs s'effondrèrent sur elle. Ce Rimbaud féminin, comme beaucoup aiment l'appeler, sillonna l'Algérie de 1897 à 1904.
En 1901, quand elle se trouvait à El-Oued, elle épousa Slimane Ehri, sous-officier dans le corps des spahis. Elle obtint la nationalité française par le biais de son mari.
Née d'une mère russe et de père inconnu, Isabelle passe ses vingt premières années dans la demeure familiale à Meyrin près de Genève. Qu'est-ce qui a attiré Isabelle à venir en Algérie ?
Des chercheurs estiment que cette attirance provient de ses lectures de Pierre Loti, ses discussions avec Alexandre Trophimowski, son père présumé, la correspondance qu'elle entretient avec Eugène Le Tord, un officier français affecté, à l'époque coloniale, aux bureaux arabes dans le sud constantinois, ainsi que les fréquentations de cette élite orientale expatriée à Genève qui éveillèrent chez la jeune fille son «désir d'Orient».
A vingt ans, la rencontre d'un photographe, qui passait l'hiver en Algérie et retournait l'été en Europe, incita la jeune fille et sa mère à se rendre à Bône (Annaba) pour y posséder une maison. Isabelle et sa mère débarquèrent à Bône au printemps 1897 et choisirent de s'installer dans la vieille ville (Casbah).
La jeune fille s'adapte facilement et porte le costume arabe, ce qui lui permet de se «fondre» dans la société. L'arabe classique qu'elle avait appris à Genève lui a facilité l'apprentissage du dialecte algérien. Après la mort de sa mère, six mois après son arrivée en Algérie, Isabelle n'a plus rien à faire à Genève. Elle achète un cheval et s'aventure dans le désert algérien. Sa rencontre avec le Souf fera l'objet d'une courte nouvelle au pays des sables, où elle racontera sa première impression d'El-Oued, en août 1909. «C'était l'heure élue, l'heure merveilleuse du pays d'Afrique, quand le grand soleil de feu va disparaître enfin, laissant reposer la terre dans l'ombre bleue de la nuit. Du sommet de la dune, on découvre toute la vallée d'El-Oued sur laquelle semblent se resserrer les vagues somnolentes du grand océan de sable gris.»
L'appel du désert
Sa seconde visite à El-Oued se prolongera jusqu'à la fin févier 1901, sous l'identité d'un taleb, jeune lettré musulman en quête de la tarîqa, la voie mystique, elle fut initiée dans la confrérie soufie de la Qadiriya. Dans ces territoires du Sud encore très sensibles, l'acte de cette étrangère d'origine russe, qui parlait l'arabe et communiquait avec les chefs d'une confrérie connue pour son hostilité à la colonisation française, est une grave provocation pour l'autorité militaire qui place Isabelle sous étroite surveillance.
C'est au cours de ce séjour dans le Souf, qu'Isabelle est victime d'une agression. Sérieusement blessée à la tête et au bras, elle doit séjourner un mois à l'hôpital militaire d'El-Oued. Elle fut l'objet par la suite d'une expulsion du territoire algérien par les autorités coloniales.
Eloignée de ce pays qu'elle a adopté, elle vécut cette expulsion comme un douloureux arrachement à son paradis. «Où est notre Oued Souf, ses dunes blanches et ses jardins et la maison paisible de Salah Ben Taliba, confinant aux dunes de Sidi Mestour et la nécropole silencieusement où vont dormir les Ouled Ahmed ?».
L'appel du désert est aussi puissant et elle reprend le chemin des zaouïas. Elle fit deux excursions à Bou Saâda où elle visita la zaouïa d'El Hamel. Dans ses notes, Isabelle rapporte que cette zaouïa était dirigée par Lalla Zineb, fille de Slimane Mohamed Ben Belkacem, mort sans descendance mâle et à qui elle avait succédé en 1897. En 1902, Isabelle rencontrera Victor Barrucand, défenseur de la cause des colonisés, qui lui ouvre les colonnes de son hebdomadaire bilingue Akhbar. En Septembre 1903, elle part comme reporter de guerre dans le sud oranais où des combats se déroulent à El Moungar et Taghirt.
Le général Lyautey, qui commande la région, l'autorise à suivre les troupes dans leurs déplacements à Aïn Sefra, Beni Ounif et Figuig. Elle vit au milieu des légionnaires, des tirailleurs et des spahis, amassant notes et impressions.
Présence de la mort
Certains critiques estiment que sa passion très développée pour la littérature est une sorte d'apurement de comptes, d'expiation, de règlement de dettes de jeu que sa mère avait contractées en la concevant hors mariage, qui l'avaient poussée vers l'aventure.
«Je ne dors pas. Aucune envie de dormir. En bas retentissent les cris déchirants d'une Russe qui accouche…» Impulsion.
Douleur. Elle enfante la fécondité, le mystérieux élan de vivre vers des rêves azurés. «Les êtres vraiment supérieurs en ce monde, tel qu'il est de nos jours, son ceux qui souffrent de mal sublime de l'enfantement perpétuel d'un moi meilleurs.» Le travail littéraire est aussi un exil qui pousse à la conquête de soi et donne ainsi un nouvel élan de vivre, dans ce cas, Isabelle a choisi le pays des chotts et des sebkhas dangereuses. «Il n'y a qu'une chose qui puisse m'aider à passer les quelques moments de vie terrestre qui me sont destinées, c'est le travail littéraire.»
La mort était toujours présente dans son esprit et dans ses écrits. Elle avait alors le désir fou de vivre. De ne laisser aucun instant lui échapper. Pressée de vivre… et de mourir, elle prit les chemins les plus divers avant celui qui mène à la tombe. «Verse donc, camarade, la coupe de santé, comment savoir ce qui reste devant nous ?
Tu mourras, on t'enterrera, tu ne te lèveras plus au festin des amis. Donne-moi ta main, camarade, buvons ! Noyons dans le vin la séparation amère». Isabelle Eberhardt laisse derrière elle des notes, des récits de voyages, des nouvelles et des romans inachevés.
Ceci n'est qu'un fragment de la vie d'Isabelle, une âme aventureuse, affranchie des milles petites tyrannies, avide de vie au grand soleil changeant et libre.


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