C'est une petite «révolution» qu'a annoncé hier le président de la République dans le sens de la consécration de la transparence et de l'honnêteté dans la pratique politique en Algérie. La prochaine révision de la Constitution, désormais confirmée par le Président, s'annonce prometteuse comme elle a été déclinée hier dans son message, à l'occasion de la célébration du 61e anniversaire du déclenchement de la Révolution. En décidant d'instituer et de constitutionnaliser un «mécanisme indépendant de surveillance des élections», Abdelaziz Bouteflika aura accédé à l'une des plus importantes exigences démocratiques de l'opposition. Celle-ci regroupée depuis plus d'une année au sein de la Coordination des libertés et de la transition démocratique (CLTD) en a fait quasiment un préalable indépassable à une remise en place des canaux de dialogue avec le pouvoir. A juste titre d'ailleurs, tant la trituration des résultats des élections en Algérie – comme l'a reconnu le président lui-même – a complètement faussé la carte politique et jeté le discrédit sur les représentations nationales et locales. La fraude, c'est fini ! C'est donc un acquis non négligeable pour la pratique démocratique en Algérie qui a été longtemps impactée par ces mains invisibles – parfois visibles ! – qui distribuent des quotas aux partis en fonction des allégeances, des coteries voire parfois des intérêts. C'est à l'aune de ce délitement de la pratique politique qu'il faudra jauger cette décision du Président de remettre le contrôle des scrutins à un mécanisme indépendant, pour de vrai cette fois, pour en finir définitivement avec le détournement de la volonté populaire. A moins de verser dans «l'oppositionnisme» pavlovien, les partis politiques, notamment ceux qui en font leur cheval de bataille au sein de la CLTD, ne doivent pas faire la fine bouche. Leur combat et celui de toute une génération broyée par la fraude vient d'aboutir. C'est l'Algérie qui gagne une bataille pour donner une substance à sa démocratie naissante sacrifiée sur l'autel des calculs de pouvoir. «(…) la dynamisation des institutions constitutionnelles de contrôle, tout comme la mise en place d'un mécanisme indépendant de surveillance des élections, participent d'une même volonté d'affirmer et de garantir la transparence dans tout ce qui est relatif aux grands enjeux économiques, juridiques et politiques dans la vie nationale», écrit en effet le président de la République. L'opposition enfin reconnue C'est dire qu'Abdelaziz Bouteflika a, cette fois, décidé de faire sauter les verrous qui empêchent l'Algérie d'évoluer dans un environnement politique et institutionnel sain. Et, plus généralement, faire du peuple «la source exclusive de la démocratie et de la légitimité (…) est le seul arbitre souverain de l'alternance au pouvoir». Mais il n'y a pas que cela. Le Président a dévoilé des acquis tout aussi prometteurs contenus dans le projet de révision constitutionnelle et qui sont de nature à donner à l'opposition la liberté de jouer son rôle de contre-pouvoir au sein des assemblées plus crédibles. «(…) Il en est de même également à travers les garanties nouvelles que ce projet de révision propose, pour conforter le respect des droits et des libertés des citoyens ainsi que l'indépendance de la justice. La même approche guide aussi l'approfondissement de la séparation et de la complémentarité des pouvoirs, en même temps que l'opposition parlementaire sera dotée des moyens d'assumer un rôle plus actif, y compris par la saisine du Conseil constitutionnel», s'engage le chef de l'Etat. Gages Et de souhaiter que cette révision constitutionnelle «contribuera à l'affirmation d'une démocratie plus apaisée dans tous les domaines, ainsi qu'à davantage d'épanouissement des énergies des acteurs politiques, économiques et sociaux du pays, au service des intérêts de notre peuple». Par ces engagements à revoir positivement les règles de jeu démocratique, le Président met ses pourfendeurs politiques devant leurs responsabilités. Il n'est jamais trop tard pour bien faire, et Bouteflika vient de donner une suite favorable à ce qui constitue l'Alpha et l'Omega du «pack» de revendication de l'opposition. Ces engagements présidentiels annoncés à la veille du symbolique 1er Novembre, sonnent comme un début de refondation de l'Etat sur des bases vraiment démocratiques. Vu sous cet angle, le propos de Bouteflika équivaut presque à un serment de… Novembre. Et pour cause, il sait que c'est avec le renforcement de la pratique démocratique que le peuple pourra «affronter les difficultés, relever les défis, et dépasser cette étape porteuse de crises». En un mot, faire face aux menaces externes commande obligatoirement de fortifier le «front interne». Réactions… Mohamed Nebbou premier secrétaire du FFS «La démocratie ne se décrète pas. Ce n'est pas suffisant. La crise de confiance est aujourd'hui à son summum. Le divorce est bel et bien consommé entre les citoyens et les institutions de l'Etat. Du reste, tout le monde en Algérie sait que le problème n'est pas dans les textes mais plutôt dans leur application. Il n'y a pas la volonté nationale d'aller vers le changement. Il faut aller vers une évaluation globale de la crise multidimensionnelle que traverse le pays. Rien ne se fera sans la concertation». AbderRezak Mokri président du MSP «Notre revendication est claire et explicite. Au risque de me répéter, notre demande, formulée avec nos partenaires dans l'opposition, porte sur la mise en place d'une entité nouvelle indépendante qui aura la charge de l'organisation totale de bout en bout des élections. Or, le président de la République, dans son message du 1er Novembre, a parlé de «dynamisation des institutions constitutionnelles de contrôle, tout comme la mise en place d'un mécanisme indépendant de surveillance des élections». Ce qui est loin de répondre à notre demande. Sofiane Djilali président de Jil Djadid «Dans les mots, il y a une volonté, en effet, d'offrir quelque chose à l'opposition. Cependant, entre la parole et les actes il y a un long chemin. J'ai un gros doute que le président Bouteflika veuille faire ce chemin. L'opposition craint que le pouvoir veuille lui vendre un flacon sans le parfum qui va avec. La Constitution peut en effet être un emballage mais la réalité du terrain ne prête pas à l'optimisme. Il est possible la conjoncture économique et l'exaspération de la population face à la détérioration du pouvoir d'achat soient la motivation réelle pour cette apparente concession. Attendons pour voir.»