Cette histoire de concours de résidanat a la faculté de médecine de l'université d'Oran nous ramène à notre enfance d'écoliers. A l'époque, l'école était un peu trop dure pour les enfants mais elle assurait l'essentiel, en ouvrant des perspectives. Elle était même l'unique moyen de promotion sociale, et à ce titre, elle imposait ses règles à tous, au point où on a rarement vu un élève ou un parent s'en plaindre. L'acquisition du savoir et la «sortie de la boue» comme on dit aujourd'hui dans le langage algérois ont un prix qu'on payait sans rechigner. Parmi les «injustices» qu'on dénonçait dans les discussions de récréation sans jamais oser un geste d'agacement devant l'instit, la «punition générale». Quand une bêtise dont l'auteur n'est pas nommément identifié est commise en classe, le professeur ne se posait pas de questions, il a autre chose à faire que jouer au détective. Il recourait alors à une technique qui, si elle n'est pas toujours juste, est tout de même d'une redoutable efficacité : que le coupable se dénonce lui-même, ou alors ce sont les autres qui devront le faire. S'il n'obtient ni l'un ni l'autre, tous savaient ce qui les attendait : la punition pour tout le monde ! Et quand tout le monde était sanctionné, les élèves n'en souffraient pas trop, il arrivait même qu'ils vivaient ça comme un moment de détente collective arrachée à l'austérité des cours. C'est que dans l'affaire, tous étaient égaux devant la punition et ça leur épargnait l'infâme délation. A la fac de médecine de l'université d'Oran, un concours d'accès au résidanat s'est déroulé récemment, avec quelque 500 concurrents, dont un peu plus de la moitié a été déclarée reçue. Manque de pot, il paraît qu'il y a eu triche à l'examen. Un peu comme les instits d'avant, le rectorat a décidé d'annuler les résultats pour ne pas avoir à «enquêter» et sanctionner les coupables, tout en préservant le succès de ceux qui ont concouru loyalement après des années d'efforts. Mais la comparaison est de pure forme. D'abord parce qu'une sottise de gai luron est sans commune mesure avec une tricherie dans un examen aussi sérieux que l'accès à une spécialité médicale. Il faut rappeler que ceux qui ont subi ce concours sont d'abord des… médecins généralistes, dont certains ont déjà exercé pleinement le métier. Avec tout ce que cela suppose comme péril sur ceux qui leur ont confié leur santé et ceux qui auraient pu s'en remettre à leur savoir dans un proche avenir. Ensuite parce que l'annulation des résultats en l'occurrence n'est pas vécue comme une sanction qui met tout le monde sur un pied d'égalité, mais comme un déni de justice pour ceux qui méritent d'être récompensés pour leur unique mérite. Enfin parce qu'à ce niveau de tricherie, ce sont généralement ceux qui ont «le bras long» qui en bénéficient. Et dans le pire des cas, ils ont des gages d'impunité. Surtout qu'en l'occurrence, ce n'est pas le premier scandale à l'université d'Oran. Ni sur d'autres campus du pays, d'ailleurs. Le trafic, la triche, la corruption sont d'une telle ampleur qu'ils ne peuvent pas épargner un espace aussi important que l'université. Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.