Des menaces, des insultes, des remarques salaces ou des gestes obscènes…! Dans la rue, les femmes algériennes en subissent souvent, et sans réagir, de peur d'être montrées du doigt ou d'être «mises sous contrôle strict» par… la famille. Ce phénomène prend des proportions alarmantes en Algérie. Aujourd'hui, les femmes risquent même de se faire tuer en plein jour. Comme cela a été le cas, cette semaine, de Razika Chérif, une femme de 40 ans, qui a été écrasée par un automobiliste qui la harcelait en plein centre de la commune de Magra (M'sila). Après l'avoir poursuivie pendant un long moment et devant son refus de céder, le «fou-frustré» fonce avec son véhicule utilitaire délibérément et heurte mortellement la victime. La scène est bouleversante. L'automobiliste de 33 ans est passé «à deux reprises au moins» sur le corps de la victime, la tuant sur le coup. Les témoins oculaires n'ont rien pu faire pour sauver l'infortunée Razika Chérif, dont le seul tort est d'avoir refusé de céder aux avances de son agresseur. Ayant pris la fuite, le monstre humain a été arrêté lundi par les services de sécurité. Mais ces derniers refusent d'admettre les raisons et les circonstances de ce crime abject. Face à ce silence, les associations civiles s'indignent : «La mort de Razika ne doit pas passer sous silence. Il est urgent d'enclencher un véritable débat national au sujet du harcèlement sexuel qui menace la dignité et l'intégrité des Algériennes dans les rues», appelle la coordinatrice du réseau Wassila d'aide aux femmes victime, Mme Dalila Iamarène. Avec ce nouveau drame, estime notre interlocutrice, la coupe est pleine. «Cette malheureuse femme a payé l'absence et le laxisme des autorités face à ce fléau qui gangrène la société», s'est-elle indignée. Pour elle, il est plus qu'urgent de lancer un réel débat national sur comment arrêter ce «terrorisme» contre les femmes. Mme Iamarène a exprimé sa colère contre les sénateurs qui sont «grassement payés», mais ils ne font pas leur travail. «Il y a des milliers de femmes qui attendent l'adoption de la nouvelle loi sur la protection des femmes, mais celle-ci reste bloquée au Conseil de la nation (Sénat) alors qu'elle a été adoptée à l'unanimité par le Parlement en mars», a-t-elle dénoncé. Des lacunes dans le projet de loi Selon la militante, le Sénat traîne ses pas, parce qu'il est attentif aux conservateurs qui ne veulent pas reconnaître la citoyenneté de la femme. «Cette loi dérange les religieux qui nous considèrent comme des objets. Les violence et les crimes commis à notre égard ne vont jamais cesser si les coupables demeurent impunis.» Elle a signalé par ailleurs des insuffisances dans le projet en question. «Dans ce texte, il n'y a pas de poursuite judiciaire dans le cas ou les femmes pardonneraient à leurs agresseurs, alors qu'on sait que la plupart d'entre elles retirent leur plainte par peur», a-t-elle relevé, ajoutant «bien sûr qu'elle ne va pas engager des poursuites, c'est elle qui est violentée et menacée de mort». Dans ce sens, Mme Iamarène appelle à la mise en place de mécanismes pour l'application de cette loi. Elle cite à titre d'exemple la loi sur la pension alimentaire. «Les femmes divorcées n'arrivent pas à obtenir la pension alimentaire de leur ex-mari car les mesures d'application de cette loi manquent. Elles se trouvent obligées de passer par une longue procédure judiciaire pour obtenir leur droit. Faute de moyens, celles-ci finissent par abandonner», a-t-elle expliqué.