Il fut un temps où dire "je t'aime maman" ne nécessitait pas une journée spéciale. Mais de nos jours et pour cette catégorie de mamans délaissées, il est de notre devoir de rappeler à tous qu'elles aussi ont été et sont toujours des mamans. 113 personnes, dont 47 attardées mentales, 12 séniles, 18 handicapées et 18 conscientes sont hébergées au foyer de la vieillesse et des handicapées de Dely Brahim. A l'entrée, on traverse un long couloir calme, sur la gauche, un carré de verdure où les pensionnaires s'occupent de jardinage quand elles sont en forme, un moyen simple de se détendre et se laisser emporter par le temps et les souvenirs. Le médecin est omniprésent tandis que le psychiatre n'intervient que lors des crises où on lui présente la malade sur-le-champ. C'est le meilleur moyen, selon Mme Mina Hammani, éducatrice au foyer, de préserver l'état psychologique de la personne afin qu'elle ne se sente pas emprisonnée. Le foyer, poursuit-elle, est un endroit pour y vivre comme chez soi. Pour la Fête des mères, la maison de vieillesse organise aujourd'hui une fête, comme chaque année, qui a pour but de réconforter ses vieilles pensionnaires et leur offrir un moyen de se détendre. C'est Mourad Djaâfri qui animera cet après-midi où le public sera le bienvenu. Ces vieilles dames n'ont pas besoin que d'amour, ce qui est difficile à donner ; elles ont également besoin de petits cadeaux qui font la joie quotidienne, mais les conséquences de la crise humaine peuvent dépasser de loin la crise économique mondiale Une histoire hors du commun Agée de 79 ans, Meriem Kh. est pensionnaire dans ce foyer depuis exactement 7 ans et 5 mois. Elle a été renvoyée de chez son frère qui l'a bel et bien maltraitée. "C'est le problème de logement qui a fait que je suis là aujourd'hui" nous déclare Meriem. Son fils, âgé de près de 40 ans, travaille dans une imprimerie. C'est un fils pas comme les autres, son amour pour sa mère est indéniable : Il raconte, les larmes aux yeux : "Quand je franchis le portail du foyer, j'ai honte et je commence à suer ; c'est le manque de moyens qui me laisse aujourd'hui impuissant et voir ma mère dans un foyer de vieillesse sans pouvoir rien faire. Prochainement, j'aurai un logement social et je sortirai ma mère de là, quoi qu'on s'occupe d'elle à merveille." Quand M. est là, personne d'autre ne touche à sa mère, il s'occupe d'elle comme d'une pierre précieuse. Les pensionnaires sont contentes de la gestion et du comportement de la directrice, Mme Belhi, qui a rejoint le centre il y a un peu plus de deux ans, nous confient Mekkia, Yamina, Soumia, Souad, Nacira, Fatima-Zahra. Elle se retrouve pensionnaire après plus de 45 ans de travail Mekkia Dj., 65 ans, est veuve. Elle vit dans le foyer depuis un an après avoir été rejetée par sa propre sœur. Mekkia, quant à elle, a passé toute sa vie au service des autres, plus de dix années à la pouponnière à s'occuper des enfants abandonnés et 30 ans passés au foyer de vieillesse, celui-là même de Dely Brahim où elle se retrouve aujourd'hui pensionnaire. Ancienne sage-femme au foyer Louiza M., 65 ans, divorcée et mère de 4 enfants, vit depuis 14 ans au foyer : "Mon histoire remonte à la décennie noire où j'ai reçu une lettre de menaces après la marche du 22 mars 1995 à Tamanrasset pour protester contre le terrorisme". J'ai reçu la menace à l'hôpital où je travaillais ; quelques mois plus tard, j'ai pris l'avion et je me suis rendue en Libye où je suis restée 14 mois. A mon retour, j'ai logé chez ma sœur qui était chef de service d'une clinique d'accouchement. Un peu moins d'un mois après, à cause d'une dispute banale comme ça se passe chez tout le monde, ma sœur m'a renvoyée sans un sou." Après une nuit passée sous le pont, Louiza se retrouve l'une des anciennes hôtes de ce foyer et ne veut surtout pas entendre parler de ses enfants qui ne la cherchent pas.