De nos jours, une fille des temps modernes peut-elle revivre l'histoire d'amour qu'a connue la célèbre Hizya ? Maissa Bey nous fait vivre les moments vécus par cette jeune fille à travers un beau roman sorti aux Editions de l'Aube et réédité en Algérie chez Barzakh. Est-ce que Hizya, cette jeune fille de vingt-trois ans, universitaire et travaillant dans un salon de coiffure, finira au bout du compte à renoncer à son rêve de vivre la même romance que Hizya, célébrée par un poème de Benguitoune et rendue célèbre notamment par les chanteurs Ababsa et Khlifi Ahmed ? Est-ce que Ryad, ce commerçant en téléphonie avec qui elle sort et qui est réfractaire par nature à la poésie et à la fantaisie, peut se comparer à ses yeux à Sayed, l'amant de Hizya qu'on retrouve dans le poème de Benguitoune? On peut multiplier les interrogations pour démontrer que celle du poème servira à celle du réel dans sa quête d'une relation amoureuse pour s'accomplir. La jeune fille, habitant Alger, arrivée à un âge où les hormones bouillonnent inéluctablement malgré les interdits et les garde-fous familiaux, finira par descendre de ses nuages et s'inscrire dans le réel. Son environnement, composé notamment de ses collègues de travail et de la clientèle du salon de coiffure, contribuera à cette maturité. Finalement, le roman Hizya de Maissa Bey, publié chez Barzakh, est une chronique ordinaire de la vie simple d'une jeune fille du cru. A part que les voix sont multiples dans cette chronique. Une, off, où la narratrice, en l'occurrence Hizya, se livre à un exercice de questionnement de soi. Une sorte d'auto-analyse psychanalytique où le non- dit (et surtout le non accompli) est objet d'interrogations ou de remontrances. Ce sont les phobies et les inhibitions de la narratrice. Mais cette voix intérieure occupe une place minime dans le corps du roman. Ce sont la dizaine ou vingtaine de pages tout au plus en italique. L'essentiel du roman peut être considéré comme le regard que porte «l'héroïne» sur son environnement peuplé en grande majorité de femmes. Parce qu'en dehors de son père, de son frère, de Ryad qu'elle va rencontrer et avec qui elle essaye de construire une relation, et de Djamel, un ancien camarade de fac qui va la harceler avec des textos, l'univers de ce roman est en grande majorité composé de femmes. A commencer par la mère et Kahina, la petite sœur, complice de la narratrice. Mais l'apprentissage de la vie aura lieu dans le salon de coiffure où collègues et clientes déballent avec facilité leur vie, jusqu'à leur intimité des fois. Rêves et exigences A la fin du roman, Hizya l'algéroise s'épanouira par rapport à Hizya rendue célèbre par la poésie. Cette dernière est morte à vingt- trois ans, alors que l'autre «renaîtra» en quelque sorte à cet âge-là. Elle commence à entrevoir une vie amoureuse en renonçant à ses rêves et à ses exigences. Elle a presque admis une nouvelle perception de l'amour «désidéalisé». Une sorte de désenchantement en somme où le mariage, remis en question par moments dans le roman, s'avère comme un horizon. Ce qui n'est pas le cas de Sonia, sa collègue de travail, dont le frère accepte de la brader à un vieil émigré au Canada sans tenir compte de son avis, elle qui s'est montrée tout le long du roman excessive et intransigeante. Ce qui est notable dans ce roman, c'est que l'auteur s'interdit de moraliser ou de porter un jugement. Elle nous livre en vrac le regard de son héroïne sur son quotidien. Un regard qui n'est pas dénué de contradictions…