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Une œuvre à double voix
Présentation du dernier roman de Maïssa Bey, Hizya, au Sila
Publié dans El Watan le 04 - 11 - 2015

A la faveur du 20 e SILA, l'écrivaine algérienne Maïssa Bey a présenté, lundi, au pavillon central de la Safex, son dernier-né, Hizya, publié aux éditions Barzakh.
En préambule à cette rencontre littéraire de haute portée intellectuelle, la modératrice Nadjet Khadda a donné son appréciation sur sa sensibilité à l'œuvre de Maïssa Bey. «L'entrée en écriture de Maïssa Bey, dit-elle, s'est réalisée à un moment crucial de notre histoire. Ce point de départ qui a été impulsé par une sorte d'urgence historique.
Cette réflexion qui s'est engagée à ce moment conjoncturel ne faisait que confirmer Maïssa Bey dans un désir d'écriture qui, j'en suis sûre, l'habitait bien avant le moment où elle a commencé à publier, peut-être, de tout temps s'était-elle sentie écrivaine et n'a-t-elle eu l'opportunité de le devenir que dans ce moment tragique et de l'urgence». Le débat de cette rencontre a été axé sur les problématiques qui tissent toute l'œuvre de Hizya.
L'écrivaine Massa Bey a étrenné son intervention par le choix du titre de son dernier roman. Elle indique que le titre s'est imposé à elle comme une évidence. Hizya, c'est aussi un hommage à ce poème magnifique qu'elle entendait depuis son plus jeune âge, et ce, sous ses versions plurielles. Sa mère fredonnait également les refrains de cette poésie qui, rappelons-le, au passage, a été chantée par plusieurs grands noms de la chanson algérienne dont Abdelhamid Ababsa, Khelifi Ahmed et Rabah Driassa.
La légende de Hizya n'est que le prétexte pour raconter «les hiziettes» des temps modernes. L'écrivaine s'est intéressée au contenu réel de ce poème. Plus elle avançait dans sa compréhension, plus l'envie d'aller à l'écriture l'interpellait. «La poésie, la description de Hizya de cet amour fou, les couleurs… m'ont donné tout ce qui était nécessaire pour construire quelque chose autour de cela ». L'écrivaine, Maïssa Bey, a adopté une structure de narration en deux volets parallèles. L'une écrite en texte romain introduit le «je» pour raconter la vie quotidienne. La seconde narration est écrite en italique avec l'utilisation du «tu» pour narrer cette introspection. Maïssa Bey avoue qu'elle s'est posé la question autour de cette structure.
Elle précise encore une fois qu'elle s'est inspirée de Hizya mais ce n'est pas l'histoire de Hizya. Il s'agit dans ce texte de l'histoire d'une jeune fille d'aujourd'hui qui vit non loin de La Casbah d'Alger. Elle travaille dans un salon de coiffure, alors qu'elle est traductrice de formation. L'écrivaine a commencé à écrire cette histoire et à imaginer ses personnages. «J'ai écrit, explique-t-elle, ce texte sans préméditer ce qui allait arriver.
Plus je faisais parler Hizya à la première personne du singulier, plus je me suis dite qu'il y avait en chacun de nous, cette dualité qui existe entre ce qu'on se dit simplement, qui correspond aux modes et aux normes de la société et cette deuxième petite voix qui est là, très souvent subversive, qui pousse parfois à la révolte et à la submersion. Je l'ai ressenti. J'avais l'impression qu'elle était là quelque part. Il fallait qu'elle advienne. Elle est arrivée le moment où je me suis dite qu'il fallait la laisser s'exprimer. Et c'est comme cela que la structure de ce texte s'est faite à deux niveaux, la voix de Hizya qui raconte son quotidien et la voix de son subconscient qui revient sur les contradictions de sa société».
Maïssa Bey a éprouvé le besoin de soulever cette transgression permanente à travers son texte. Elle révèle qu'au moment de l'écriture, il lui semblait que ce texte était un peu très lisse et que cela manquait de subversion. Et qu'il fallait quelque chose de fort qu'il fallait faire émerger. Façon singulière de donner du relief à cette vie qui était un peu ordinaire. C'était la seule façon, pour l'écrivaine, d'aller jusqu'au bout de raconter l'histoire de cette jeune fille algérienne.
Pour Maïssa Bey, il fallait aller chercher de plus profond pour donner non seulement de l'épaisseur mais aussi de la raison. «Si j'ai écrit ce texte, c'est parce que j'avais d'autres motivations qui sont là depuis toujours et des questionnements auquels dans une certaine mesure, j'ai essayé de répondre. Je pose, également, le fait qu'il y ait tout ce mouvement qui est en apparence très lisse, avec un individu à part entière avec toutes ses contradictions, ses aspirations et ses rêves. Je suis révoltée lorsque des personnes ont voulu faire l'archétype de la jeune fille algérienne aujourd'hui. C'est une idée qui ne me convient pas.
C'est une jeune fille, un individu dans sa conception moderne avec tout ce qu'elle porte en elle comme rêves aspirations, désirs. Chaque individu est singulière», note- t-elle. Il est à noter que le roman de Maïssa Bey se referme par la belle poésie Hizya, héroïne d'une élégie du poète algérien Mohamed Ben Guittoun composée en 1878. Hizya est morte à l'âge de vingt-quatre ans, un mois après son mariage. Cette légende a osé refuser toutes les demandes en mariage pour pouvoir épouser celui qu'elle aimait, son cousin Sayed.


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