Dans son rapport de conjoncture, qui sera rendu public aujourd'hui, le Cnes invite officiellement le gouvernement à opérer une «mutation structurelle» pour diversifier l'économie. Tout en évitant la confrontation directe avec l'Exécutif, l'institution que préside Babès relève tout de même des carences et des insuffisances de taille plaidant pour une réforme autre que celle menée jusqu'à présent. Le Temps d'Algérie a procuré, hier, une copie de ce document qui fera objet aujourd'hui d'une rencontre nationale réunissant des membres du Conseil national économique et social, les ministres concernés, des représentants d'institutions économiques ainsi que des experts. D'emblée, le Cnes relève que «la conjoncture économique et sociale, relative au premier semestre 2015, est marquée par la poursuite des cours bas des hydrocarbures, qui ont fortement et frontalement impacté les indicateurs fondamentaux de notre économie, alors que celle-ci avait bien résisté au cours du deuxième semestre de l'année 2014». Pour le Cnes, «le monde semble se diriger vers une croissance atone de l'économie pour plusieurs années», et ce, «sous l'effet conjugué du redéploiement/rééquilibrage de l'économie chinoise et de la guerre des changes que semblent se livrer les principales banques centrales (…)». Il s'agit là d'une prévision plutôt pessimiste qui recadre le débat actuel sur une éventuelle reprise des cours pétroliers durant les prochaines années. Sur ce point, le rapport du Cnes ne souffre d'aucune ambiguïté. «Le retournement du marché international des hydrocarbures a induit un net recul des recettes, impactant aussi bien les réserves de change que le budget public, reposant, encore une fois, avec acuité, la vulnérabilité de l'économie nationale aux chocs exogènes et la nécessité d'un changement structurel de son modèle de croissance, dans le sens de plus de diversification et de moins d'importations». Le gouvernement de Sellal est donc interpellé à revoir sa stratégie de croissance économique focalisé à ce jour sur les dépenses publiques et à un moindre degré sur l'apport de l'entreprise privée. Le Conseil appelle l'Exécutif à contracter des prêts auprès des institutions internationales et des partenaires à des conditions fort avantageuses pour assurer le financement de l'économie. Tout en louant la soutenabilité des indicateurs de la dette et le niveau des réserves de change situé à près de 160 milliards de dollars en juin 2015, le Cnes prévient que la relance du marché mondial des hydrocarbures, à court et moyen terme, demeure «fort pessimiste, et que les recettes des hydrocarbures ne connaîtront probablement pas d'améliorations substantielles». Les exportations d'hydrocarbures pourraient s'établir, à fin 2015, à hauteur de 30 milliards de dollars, tandis que les importations de biens pourraient atteindre un volume de l'ordre de 55 milliards dollars, estime-t-il, prévoyant que les réserves de changes vont s'éroder d'au moins 20 milliards de dollars. D'où la possibilité, souligne-t-il, d'une baisse du solde du Fonds de régulation des recettes (FRR) en deçà de son seuil minimal réglementaire. Le Cnes n'écarte pas d'ailleurs le tarissement du FRR, «fortement plausible», pour reprendre ses termes. «Est-il nécessaire d'explorer, à court terme, les voies et moyens de dégager de nouvelles ressources, afin de faire face à la situation ?», s'interroge-t-il. Scrutant minutieusement les chiffres du gouvernement, le Cnes conçoit qu'il devient «urgent d'engager la réflexion pour arrêter un cap de l'émergence et procéder à l'élaboration d'un plan d'émergence à l'horizon 2035».