Dans deux rapports portant sur «l'état économique et social de la nation de 2008» et sur les «perspectives de conjoncture pour 2009», le Conseil national économique et social (Cnes) a élaboré des bilans récapitulatifs des différents résultats des secteurs économiques au cours de ces deux années, sans apporter un œil critique ou du moins évaluatif. Djoudi Bouras, directeur des études au Cnes, a présenté les deux rapports, riches en chiffres. Une première remarque a porté sur le fait que «les dépenses publiques continuent de doper la relance économique». Le rapport sur «l'état économique et social de la nation de l'année 2008» relève que «le rythme de la croissance économique s'est maintenu en 2008 (6,1% hors hydrocarbures contre 6,3% en 2007). Ce niveau de croissance est dû, principalement, à une croissance élevée et soutenue des secteurs du BTP et des services, deux secteurs pourvoyeurs d'emplois qui ont permis de conforter la tendance à la baisse du chômage.» Malgré «l'amélioration du niveau de vie de la population en 2008», grâce aux deux programmes de soutien à la relance économique (PSRE) et le programme complémentaire de soutien à la croissance (PCSC), le programme des Hauts Plateaux et du Sud, le Cnes attire, par contre, l'attention sur «le problème de la rationalisation et le ciblage des transferts sociaux de l'Etat qui représentent 13% du PIB».
Le chômage sous l'emprise de la pression démographique Par ailleurs, «la question de la soutenabilité des tendances actuelles émerge en 2008 avec plus d'acuité et plus particulièrement sur le marché du travail encore soumis à une forte pression démographique». Malgré le nombre d'emplois créé, notamment au cours du 1er semestre 2009 pour atteindre plus de 758 000, «la problématique de la qualité des emplois reste prégnante face à un chômage des universitaires qui prend des proportions inquiétantes» et a atteint 20% en 2008. L'institution de Mohamed Esseghir Babès recommande la mise en place de la transparence dans la création de l'emploi et la lutte contre le chômage pour lequel 100 milliards DA ont été mobilisés par l'Etat. L'augmentation des salaires : une simple redistribution de la rente pétrolière Le Cnes conteste aussi la politique des salaires, le mode de leur détermination et leur relation avec le savoir et la productivité. Ces questions «constituent la toile de fond d'un climat social encore troublé par de nombreuses revendications salariales». Dans son rapport sur «les perspectives de conjoncture pour 2009», il est noté l'amélioration du pouvoir d'achat du SNMG entre 2000 et 2008 «sans contrepartie équivalente en gain de productivité». Les multiples revalorisations du SNMG dont la dernière à 15 000 DA «s'effectuent d'une manière cyclique, et sans rapport direct avec la productivité du travail et l'inflation, relançant ainsi la question plus globale des revenus salariaux et des critères qui contribuent à leur détermination et à leur augmentation», fera-t-on remarqué. Et d'enchaîner : «De nombreux analystes nationaux et internationaux considèrent ces augmentations comme une redistribution de la rente pétrolière bien plus que le résultat d'une amélioration significative de la productivité». Et pourtant, souligne le Cnes, l'objectif n° 10 du pacte national économique et social est d'améliorer le pouvoir d'achat qui demeure intimement lié à la production de richesse. Il faut maîtriser les dépenses publiques La priorité, recommande le Cnes, est de «maîtriser l'évolution des dépenses publiques pour la période à venir, tout en anticipant l'impact du niveau des prix de pétrole sur l'activité économique et le climat social». L'appel du Cnes est encore plus justifié par le fait que la croissance hors hydrocarbures qui est de 6,1% en 2008 est générée par les investissements étatiques massifs. «L'industrie tant publique que privée reste frappée par une récession sévère, malgré les soutiens financiers successifs consentis par l'Etat» à travers notamment le gel des découverts bancaires et la prise en charge des salaires des travailleurs des entreprises publiques économiques (EPE) en difficulté, à raison de 132 milliards DA de 2001 à 2008. «L'objectif central assigné pour les prochaines années est la diversification de la base industrielle, agricole et des services pour réduire la dépendance encore excessive des recettes des hydrocarbures», note le rapport sur «l'état économique et social de la nation de l'année 2008». En raison de cette forte dépendance, «la variable relative au prix du pétrole est considérée comme déterminante dans la problématique de soutenabilité des dépenses publiques au cours des cinq prochaines années», s'inquiète le Cnes, qui s'est voulu, toutefois, rassurant quant à la capacité de l'économie algérienne de faire face aux effets de la crise financière internationale, grâce notamment à la stabilité renforcée du cadre macroéconomique et le niveau des réserves de change qui ont atteint 146 milliards de dollars à fin septembre 2009, représentant l'équivalent de quatre années d'importation des biens et services.
Indispensable passage à une diversification de l'offre Dans le même sillage, le rapport sur «les perspectives de conjoncture pour l'année 2009» a mis l'accent sur l'objectif de «mettre en place une économie d'offre diversifiée». Parallèlement à une minime baisse des importations (2,17% au cours des 11 premiers mois de 2009), les exportations ont chuté de 45,40% durant la même période, passant de 72,4 à 39,5 milliards de dollars entre 2007 et 2008. A propos des perspectives à moyen terme, le rapport a mis l'accent sur l'assurance de «la pérennité de la politique nationale de justice sociale et de solidarité». Une pérennité qui sera concrétisée à travers le programme quinquennal (2010-2014) pour lequel l'Etat a mobilisé 285 milliards de dollars. Plus loin, le rapport évoque le taux de croissance hors hydrocarbures qui devra se situer entre 10,5 et 11% en 2009. Mais, «cette croissance continue d'être tirée par les dépenses publiques massives et le BTPH». Bien que le secteur des travaux publics est porteur de croissance, sa contribution en Algérie demeure minime eu égard à la «très marginale» participation de l'outil national dans le programme des travaux qui a été réalisé principalement par les firmes étrangères.
Recul du climat des affaires L'année en cours a été marquée aussi, ajoute le rapport, sur «les perspectives de conjoncture 2009», par le recul du climat des affaires en dépit des efforts pour l'amélioration de l'attractivité pour les investissements étrangers (IDE). La part des IDE est restée très marginal «pour ne pas dire insignifiante» au cours du 1er semestre 2009. L'Algérie accuse également un repli des principaux indicateurs, qui ont fait pourtant l'objet d'efforts d'amélioration considérable de la part des pouvoirs publics. Il s'agit, détaille le même rapport, de la création d'entreprises, le transfert de propriété, l'obtention des prêts, la protection des investisseurs et le dépôt de bilan.