Le Temps d'Algérie : C'est votre première venue en Algérie. avez-vous une idée sur le cinéma algérien ? Sam Lahoud : Oui. En effet, je participe à beaucoup de festivals mais malheureusement, on ne voit pas beaucoup de films algériens, surtout ces dernières années. Donc je ne suis pas informé sur le cinéma algérien. Mais j'essaye de le découvrir maintenant, et puis je ne vais pas manquer la projection de Madame Courage de Merzak Allouache que je connais depuis longtemps même si je n'ai pas eu la chance de voir ses films. Vous vous inscrivez dans la nouvelle vague des cinéastes libanais. Vous pouvez nous parler de son évolution ? Après la guerre civile au Liban (1975-1990), il y a eu beaucoup de cinéastes qui ont émergé. Des films de la post guerre. Il y a de très bons films et de très bons réalisateurs. C'est eux d'ailleurs qui ont fait la nouvelle vague libanaise et pas moi. Parce que notre expérience cinématographique est très minime en comparaison avec les autres cinéastes à l'image de Samir Habchi, Nadine Labaki, Berhan Alaouia, Randa Chahal Sabbag… Vous enseignez l'écriture scénaristique et les techniques de réalisation, d'après vous quelles sont aujourd'hui les préoccupations des futurs cinéastes ? Normalement, les jeunes qui intègrent les écoles de cinéma aspirent, au départ, à devenir réalisateur. Seulement pendant leur cursus, ils découvrent qu'ils peuvent être scénaristes, producteurs… ils découvrent les métiers. Parce que les métiers du cinéma sont méconnus de ces jeunes. Ils pensent que le cinéma, c'est être acteur et réalisateur. Ma mission en tant qu'enseignant est de leur faire entrevoir tous les aspects du 7e art pour choisir où ils doivent être. Il y a des thématiques particulières chez ces jeunes cinéastes ? Sûrement ! Les jeunes aiment beaucoup évoquer les causes qui provoquent les challenges dans la société. Est-ce que l'histoire du Liban intéresse ces jeunes, sachant que son écriture a d'une certaine manière été stoppée ? Malheureusement, ils contournent cette problématique. Ils s'éloignent des choses qui touchent à l'histoire du Liban. Comme vous avez dit, l'histoire du Liban est très vague. Chacun la voit de son propre point de vue. Alors l'histoire n'est plus celle du Liban. Elle devient le point de vue de plusieurs partis. Et quand l'histoire devient un point de vue, cela devient très dangereux pour les jeunes. A propos de Waynon (Où sont-ils ?), le film que vous avez présenté au FAFM, pourquoi avoir choisi cette thématique ? L'histoire est ancienne mais elle demeure vivante dans la conscience de la société. C'est quand même une coïncidence pour nous. L'idée revient au scénariste George Khabbaz. À la base, il voulait le produire lui-même sauf qu'avec mon coproducteur Nicholas Khabbaz, nous lui avons proposé de le faire en cinéma expérimental avec un groupe de jeunes cinéastes. Il a aimé cette idée. Vous considérez Waynon comme du cinéma expérimental ? La façon et l'approche du film, effectivement. Réunir sept réalisateurs, travailler sur un seul film, c'est une expérience. Sept réalisateurs pour sept morceaux de vie superposés… et au final une seule histoire. Ce sont sept réalisateurs qui ont travaillé sur un seul et même film. Une seule et même histoire. Avec une même et unique vision cinématographique. Et un même langage à peu de choses près. Dans ce cas précis, il y a quand même eu un enjeu. Ou ça marche ou pas. Avec Waynone, ça a marché. C'était positif. Et nous sommes satisfaits du résultat final. Est-ce que Waynone est un hommage aux 17 000 disparus ? Ce n'est pas un hommage, c'est une façon de dire aux parents des disparus que l'on pense à vous et que votre cause est toujours vivante. C'est surtout pour les familles. Ce n'est pas politique. Ce n'est pas un film à suspense pour découvrir comment ils ont disparu ou alors découvrir où ils sont. C'est un voyage dans le caractère de chaque femme que l'on découvre puis on passe à la prochaine expérience. Vous avez bien compris qu'au final, c'est l'histoire d'une seule et même personne qui a disparu. C'est le fils, le père, le mari, l'amant, le frère … L'idée de cette production est de transmettre l'idée qu'une seule personne disparue affecte toutes ces personnes en même temps. Alors comment peut-on imaginer l'histoire de ces dix-sept mille disparus à l'échelle du Liban ? Un très petit pays où tout le monde connaît tout le monde. Avec tous ces disparus, toutes les familles, tout le monde a été touché. C'est peut-être une première expérience cinématographique, mais Waynone est quand même présélectionné aux oscars 2016. Waynone va représenter le Liban dans la catégorie du meilleur film étranger à la cérémonie des oscars 2016. La compétition va être très difficile parce qu'il y a de très beaux films dans cette présélection. Nous sommes réalistes mais ça reste pour nous une très bonne chose.