Dans une conférence donnée au Centre Pierre Claverie consacrée à la consommation des ménages, le Pr Ahmed Bouyacoub de l'Université d'Oran, a signalé que le sujet de la consommation n'intéresse pas les économistes. Pour preuve, il indiquera qu'il existe uniquement «cinq articles sur la question en 30 ans», en se référant à une compilation de la revue du Cread. Il ajoutera l'existence d'une enquête de l'ONS qui a touché 1200 ménages et qui n'a jamais bénéficié d'une quelconque exploitation de la part des chercheurs en économie. Il notera une difficulté de ce type de recherches en parlant de la nécessité de préciser le type de monnaie retenu comme référence. Avant d'entamer son sujet, il avancera quelques caractéristiques de la consommation des ménages au niveau mondial : très différenciée entre pays, très inégalitaire et finira par s'interroger si le modèle européen est généralisable ou non ? Les données statistiques qu'il avancera étayeront ses remarques. La consommation par tête d'habitant en 2014 a atteint 36 286 $ aux USA. 7581 $ comme moyenne au niveau mondial, 5023 $ en Algérie et 6394 $ en Tunisie. Prise d'un autre côté, l'inégalité est saisissable à partir d'autres données. Les pays de l'OCDE qui représentent 17,6% de la population disposent de 51,81% de la consommation mondiale, alors que le monde arabe, avec 5,26 % de la population mondiale ne dispose que de 4,73%. La Chine avec ses 18,92% de la population mondiale accède uniquement à 10,38% de la consommation mondiale. Le Pr Bouyacoub conclura qu'il est impossible de généraliser le modèle de l'OCDE au reste de l'humanité en raison de la rareté des ressources et des contraintes environnementales. Attaquant la consommation des ménages en Algérie, de go il lancera que son taux est l'un des plus faibles du monde. Aussi, il signalera qu'elle n'a pas évolué d'une manière erratique entre 1964 et 2014 et que durant l'embellie financière, c'est-à-dire la période couvrant 2000-2014, la consommation des ménages en Algérie n'a pas enregistré une croissance notable. Le conférencier s'attèlera à argumenter ces remarques. Il dira que la consommation des ménages a toujours suivi la croissance du PIB. Il va jusqu'à affirmer que le taux de consommation de 1986 n'a été récupéré qu'en 2009. A l'aide d'un graphe, il montrera que la croissance de la consommation a été plus importante que la croissance de la richesse (PIB). Abordant la structure de la consommation des ménages en Algérie, le Pr Bouyacoub donnera un chiffre de la taille de cette consommation en 2014 : 4489,5 milliards de DA. La part de la population urbaine qui représente 66% a été de 71,1% et celle de la population rurale qui représente 34% a été de l'ordre de 28.9%, ce qui donne une différence de 14,5%, soit faible selon le conférencier. En excluant le logement considéré comme investissement, il signalera des chiffres sur la structure des ménages en prenant deux années de référence : 2000 et 2011. L'alimentation engloutit presque la moitié des budgets des ménages si on se réfère aux données avancées : 44,6% pour 2000 et 44,8 % en 2011. L'habillement s'octroie presque le 10e du budget avec 8,6% en 2000 et 8,1% en 2011. La culture et l'éducation ferment le tableau, avec uniquement 3,9% et 3,1% pour les deux années considérées. Les subventions profitent aux riches A titre de comparaison, le Pr Bouyacoub indiquera qu'en 2011 la part de l'alimentation a été de 41,8% du budget des ménages en Algérie, 29,4% en Tunisie, 16% en France et 41,3% (2007) pour le Maroc. Toujours en matière de comparaisons, l'on apprendra que les couches les plus défavorisées consacrent 53,7% de leur budget à l'alimentation alors que les couches les plus riches en consacrent 32,3%. S'agissant de la culture et l'éducation, les premières signalées lui allouent 2,4% alors que ce taux atteint 3,8% pour les riches. La différence entre les deux catégories sociales devient criarde quand il s'agit du transport et de l'habillement. En effet, selon les données confectionnées par le Pr Bouyacoub, les couches modestes consacrent 6,3% de leur budget au transport alors que la part allouée aux riches pour cette activité est trois fois plus, c'est-à-dire 19%. S'agissant de l'habillement, les pauvres lui consacrent 8% alors que les riches lui allouent 37,5% de leur budget. Etablissant des liens entre ces chiffres et les subventions directes accordées par l'Etat, notamment en ce qui concerne l'essence et l'électricité, le conférencier soulignera que ce sont les riches qui profitent de ces subventions. Auparavant, il a indiqué que 20% des riches s'adjugent 40% de la consommation globale. Il finira son exposé par des indicateurs sur les inégalités sociales, selon le coefficient Gini. Celui de l'Algérie est de 0,35 proche de la Tunisie qui est de 0,36. Alors que celui du Japon est 0,25 et celui de la France est de 0,33. Il expliquera que plus on s'approche du 1 plus les écarts entre les classes et les couches sociales sont larges.