Les consultations sur le projet de révision de la Constitution menées par le ministre d'Etat, directeur de cabinet à la présidence de la République, Ahmed Ouyahia, depuis le 1er juin dernier, permettent de dégager quelques points qui ont fait consensus. La majorité des partis politiques, des personnalités nationales et des organisations du mouvement associatif a proposé l'instauration d'un système semi-présidentiel et l'officialisation de la langue amazighe. Paradoxalement, ces points consensuels qui reviennent comme un leitmotiv au cours des consultations ont été ignorés dans les propositions de la présidence de la République, envoyés aux participants à ces consultations avant leur début. Ce qui pourrait mettre le pouvoir dans une position inconfortable, surtout que le poids des partis ayant fait ces propositions n'est pas des moindres. Pour la nature du système politique, le semi-présidentiel est revendiqué par la majorité des partis politiques en vue. A leur tête, les partis au pouvoir et de la majorité parlementaire, à savoir le FLN et le RND qui en ont fait le point nodal de leurs propositions, à côté de celle relative à la désignation du Premier ministre de la majorité parlementaire. Le MPA de Amara Benyounès et le TAJ de Amar Ghoul sont, eux aussi, de ceux qui ont préconisé ce type de système pour la gestion des affaires de l'Etat. La proposition est partagée également par la Centrale syndicale (Ugta), les Scouts musulmans algériens (SMA), le Rassemblement algérien de la jeunesse (RAJ), l'Union nationale des femmes algériennes (Unfa), l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM) et plusieurs organisations estudiantines reçues par Ouyahia. La deuxième proposition qui fait consensus est l'officialisation de tamazight. Plus de 34 ans après le Printemps berbère d'avril 1980, cette revendication est devenue une cause nationale, portée par la majorité de la classe politique, y compris les partis du pouvoir. Sans tabou, la demande est faite à Ouyahia par les représentants du FLN, du TAJ, du MPA, du PT et de l'Ugta. Depuis les années 1980, il a fallu beaucoup de combativité des militants de la cause amazighe qui ont payé chèrement leur engagement pour que son officialisation soit demandée par une large frange de la société, abstraction faite des intentions des uns et des autres. De plus en plus et dans toutes les régions du pays, la conviction profonde quant à l'identité nationale est exprimée et assumée. Ceux qui refusent de s'inscrire dans cette marche de l'histoire sont marginaux et ne représentent presque qu'eux-mêmes. A l'image de l'islamiste Abdelmadjid Menasra, président du parti Front de changement (FC). Ainsi, tamazight et le système semi-présidentiel sont partagés par une bonne partie des invités de M.Ouyahia qui aura reçu 30 personnalités, 52 partis politiques, 37 organisations et associations nationales et 12 professeurs d'université au terme des consultations. Celles-ci sont boycottées par les principaux partis de l'opposition et quelques personnalités nationales, alors que le FFS a répondu favorablement, non pas pour faire des propositions, mais juste pour honorer sa «volonté de dialogue» dans l'objectif de «réaliser un consensus national». Reste à se demander si le pouvoir accédera aux revendications de la majorité consultée, ou continuera-t-il à imposer ses propres choix, confirmant ainsi que les consultations ne sont pas plus qu'une manoeuvre politique? En lançant ces consultations, les responsables étatiques ont exprimé la volonté d'aboutir à une Constitution consensuelle. Si cet engagement est respecté, tamazight et le système semi-présidentiel font déjà consensus. Leur constitutionnalisation devient alors une simple question de temps.