Des militants de la cause amazighe, saluent la prise de position des partis du pouvoir et exigent la réparation contre l'injustice faite à cette langue. Qui aurait dit, en 1980, lorsque les Kabyles qui réclamaient la reconnaissance de l'identité amazighe étaient réprimés, que la revendication sera un jour portée par presque l'ensemble de la société algérienne? Aujourd'hui, 34 ans après le Printemps berbère de 1980, l'officialisation de tamazight est devenue une revendication nationale, portée par la majorité de la classe politique, y compris les partis du pouvoir. Que de chemin parcouru. A l'occasion des consultations sur la révision de la Constitution, la demande est revenue à la surface et avec insistance. Le FLN, le TAJ, le MPA (tous des partis au pouvoir), le PT et l'Ugta ont tous soumis la proposition d'officialiser la langue amazighe au ministre d'Etat, conseiller à la présidence de la République, Ahmed Ouyahia, chargé de mener les consultations. C'est dire que cette revendication aussi légitime que le droit à l'existence a beaucoup évolué, ne laissant aucune place au tabou. Dans toutes les régions du pays, la conviction profonde quant à l'identité nationale est de plus en plus exprimée et assumée. Ceux qui refusent de s'inscrire dans cette marche de l'histoire sont marginaux et ne représentent presque qu'eux-mêmes. A l'image de l'islamiste Abdelmadjid Menasra, président du parti Front de changement (FC). Au FLN qui a beaucoup évolué en la matière, c'est une proposition de la mouhafada de Tizi Ouzou qui a été retenue. «Après sa reconnaissance comme langue nationale, le moment est arrivé à l'officialisation de la langue amazighe. Je pense que parmi les amendements qui devraient être introduits dans la nouvelle Constitution, cette officialisation est incontournable», avait déclaré le mouhafedh de Tizi-Ouzou, Saïd Lakhdari. Se disant «convaincu que les autorités du pays vont aller dans le sens de l'officialisation de tamazight», il considère que l'officialisation de cette langue est un élément qui va contribuer à renforcer l'unité nationale. Cette évolution n'est pas de nature à décevoir les militants de la cause berbère depuis les années 1980. Ali Brahimi est l'un des 24 détenus d'avril 1980. Il exprime sa satisfaction et formule certaines revendications pour la prochaine étape. «Eh bien, à la bonne heure! Que demande le peuple!», s'est-il d'abord exclamé, avant de livrer son avis et saluer la position des partis du pouvoir. «Pour avoir toujours milité avec conviction et sincérité pour la cause de la langue et de la culture amazighes, je ne peux me payer le luxe de me livrer à des conjectures sur les intentions, les intérêts et les convictions des partis du pouvoir en la matière. Je ne peux que saluer cette prise de position en espérant que la prochaine révision constitutionnelle concrétise le statut de langue officielle pour tamazight», a-t-il souligné. Pour Ali Brahimi, joint hier au téléphone, il restera alors à faire preuve de volonté politique sérieuse en concevant et en adoptant «une loi-cadre qui prenne en charge la réparation historique contre une longue et cruelle injustice faite à cette langue en son propre pays et par ses propres enfants». «Il faudra, notamment, ajoute-t-il, mobiliser les moyens institutionnels, financiers, matériels et humains pour réhabiliter et promouvoir la langue amazighe.» Notre interlocuteur évoque, dans ce contexte, la création d'une académie amazighe ainsi que la généralisation et l'obligation «immédiate» de son enseignement. Pour ce faire, il propose l'affectation de tous les diplômés universitaires en la matière. M.Brahimi pense également à la nécessité de donner sa part à tamazight en matière de toponymie et de l'introduire dans les moyens de communication audiovisuelle et écrite. «Ce sont des urgences», tonne-t-il. La question qui reste à poser est de savoir si le pouvoir officialisera la langue amazighe et répondre ainsi à la demande des partis invités aux consultations sur la révision constitutionnelle ou continuera-t-il à faire dans le déni identitaire. Si le pouvoir affirme vouloir une Constitution consensuelle, la revendication fait déjà le consensus.