Quel extraordinaire destin pour un homme d'exception ! Quel incroyable concours de circonstances qui a fait que la dépouille du défunt leader charismatique, Hocine Aït Ahmed, arrivera en Algérie le 31 décembre, jour du réveillon, et sera inhumée le lendemain 1er janvier 2016. Dda L'hocine, dont la vie a été réglée à l'heure algérienne depuis son engagement pour la libération de son pays à la fleur de l'âge, n'a pourtant rien calculé. C'est la providence qui vient de lui offrir en cadeau d'adieu une date inoubliable (jour de l'an) comme pour souligner un peu plus les états de services d'un homme hors pair. Eh oui, même dans la mort, Dda L'ho a su faire la différence. Dans le bon sens évidemment. Ce sera inscrit dans le marbre de son épitaphe mais surtout de l'histoire nationale qui aura du mal à oublier un monument presque mythique qu'on a pourtant tenté vachement mais vainement de souiller. Hocine Aït Ahmed est né en 1926. Il était écrit quelque part qu'il doit retourner chez son créateur en 2016, c'est-à-dire à 90 ans pile-poil. C'est la totale pour un homme dont les symboles se conjuguent au pluriel. Faut-il préciser qu'il est né un certain 20 août, une date si chère aux Algériens tant elle ravive le beau souvenir de l'attaque du Nord-Constantinois en 1955 et la tenue du Congrès de la Soummam en 1956. 1926, c'est aussi l'année-phare du mouvement national qui a vu la création du premier parti algérien indépendantiste, l'Etoile nord-africaine (ENA). C'est dire que le parcours du combattant Hocine Aït Ahmed était presque inscrit dans ses gènes. Il était né pour cela, comme s'il y avait une fusion d'un double déterminisme psychologique et historique pour irradier d'ardeur et la combativité de l'enfant d'Ath Ahmed. Un roman historique flamboyant La date de sa mort est tout aussi symbolique. Partir à la veille d'une exceptionnelle coïncidence du «Mawlid Ennabaoui» avec la Noël est quelque part une bénédiction pour un homme qui, toute sa vie, a prêché la bonne parole de la réconciliation, de la coexistence pacifique et du respect des autres. Des valeurs qu'il a portées très haut durant son long combat de 70 ans pour une Algérie libre puis heureuse. On comprend mieux ce concert ininterrompu de louanges fusant de toute part. Certains le font spontanément parce qu'ils se reconnaissent dans le combat de Dda L'ho, d'autres le font dans les arrêts de jeu espérant un hypothétique effet rétroactif… Avec ces larmes sincères de ceux qui ont soutenu et admiré l'homme, et ces lamentations de ceux qui se sont laissés abusés pour de petits calculs de pouvoir, Aït Ahmed aura réussi à réconcilier dans sa mort les Algériens qu'il n'a pu accomplir de son vivant. Même si la douleur nous étreint, de voir partir un géant de la trempe de Aït Ahmed, on ne peut s'empêcher de prendre plaisir de cette Algérie, toute unie, pour rendre un hommage sincère et appuyé à l'un de ses Pères Fondateurs. Cela fait très longtemps qu'on n'a pas vu un mort, fut-il un ancien chef d'Etat, susciter autant d'affection, d'amour et de reconnaissance comme le fait Hocine Aït Ahmed. Rêvons pour l'Algérie de demain Officiel, acteurs politiques, médias et simples citoyens sont scotchés aux écrans des chaînes de télé et les journaux guettant le moindre détail sur le dernier retour de Dda L'ho chez lui. Les réseaux sociaux explosent de textes, de témoignages, de photos et de vidéos restituant la grandeur incommensurable de l'homme. La «matière» historique déversée depuis mercredi sur l'itinéraire d'Aït Ahmed dépasse de loin le contenu famélique de tous les manuels scolaires édités depuis 1962 ! Oui, sa mort est, ironie du sort, une naissance. Une renaissance pour un personnage emblématique du combat libérateur qui a été sciemment laissé à la marge de l'Algérie indépendante. Heureux lui, qui aura cet insigne honneur de voir son roman historique se rouvrir à sa mort pour les nouvelles générations. Son long combat aura fini par payer à travers cette belle image d'une Algérie unie pour le pleurer même dans les temps… morts. Puisse ce grand moment de communion nationale servir de déclic à une réhabilitation du combat de Hocine Aït Ahmed pour une Algérie libre et heureuse. Ce sera le plus grand hommage qu'on puisse lui rendre et le plus grand service qu'on puisse rendre à cette terre de battants et de combattants. Alors, veillons, réveillonnons pour Dda L'ho et rêvons pour l'Algérie.