Elle a quinze ans et le sourire ne quitte pas son visage. Cette jeune collégienne n'est pas du tout gênée par son handicap. Non voyante, elle écrit de très beaux poèmes et sait mieux que personne les déclamer. Lilya Laraf, cette sympathique jeune fille qui nous a accueillis chez elle, ne se fait pas prier pour lire ses poèmes dont la beauté des mots qu'elle choisit et des sujets qu'elle traite n'ont rien à envier à ceux de beaucoup de poètes connus. Cette jeune fille très intelligente s'adresse aux dirigeants arabes dans «Nahnou Araboun» (Nous sommes des Arabes). La poétesse en herbe interpelle ces chefs d'Etat en rappelant les victimes des guerres fratricides en Libye, en Syrie et les enfants qui meurent de faim en Somalie «Ayna ôuroubatikoum ?» (où est votre arabité). Ce poème qui s'adresse à ces dirigeants passifs alors que les populations arabes sont tués par milliers nous rappelle les réactions de Mahmoud Derwich. En nationaliste, la jeune Lilya nous lit un poème sur Novembre qu'elle a intitulé «Emsek Bilqelem Wektoub âla November» (prends ta plume et écrit sur Novembre), contenant de très beaux vers dédiés à la révolution algérienne. Il faut noter que Lilya a consacré plusieurs de ses poèmes à l'Algérie. Hems Ettabiâa est un véritable hymne à la nature. Notre poétesse, non seulement accepte et vit naturellement avec son handicap, mais va au-delà en s'adressant aux handicapés non voyants pour les encourager dans «Eyouha el mouâq, la tedjhel» (cher handicapé, ne perd pas espoir). Dans ce beau poème plein d'émotion, elle rappelle à ses pairs que beaucoup de handicapés sont devenus des universitaires et que ce sort divin ne doit pas nous bloquer si on veut réussir. «Que l'on soit muet ou non voyant, on mérite le respect», dit-elle dans un vers. Il faut rappeler que Lilya Laraf est le vrai cas de l'artiste doué. A l'âge de huit ans, subitement, elle a dit à sa mère : «Maman, je crois que je sais écrire des poèmes» et elle lui a lu quelques vers. Etonnée, sa mère ne rate pas l'occasion de l'encourager. Depuis ce jour, dès que Lilya est inspirée pour écrire, elle prend son cahier pour le piquer (elle écrit en braille). Après avoir terminé ses vers, elle les lit à sa mère autorisée à émettre des critiques. Très intelligente, Lilya qui sait bien que tous ses écrits ne peuvent être excellents, nous a affirmé qu'elle a gardé environ 70 poèmes. Très douée, la jeune poétesse et artiste a eu la bonne idée de nous lire un poème consacré à la guerre en Syrie en imitant les enfants de ce pays avec un véritable accent syrien. Une belle voix Avec une très belle voix, la jeune artiste a accepté même de nous interpréter une chanson de Fayrouz. Vu le niveau exceptionnel de cette jeune poétesse et de ses beaux poèmes, un appel est lancé aux institutions culturelles pour lui ouvrir les portes. L'appel est également lancé au poète et éditeur Abderrahmane Amalou, le premier à avoir pensé aux non-voyants en éditant des livres en braille et des CD pour leur permettre de lire des contes, des poèmes et de connaître les héros de la révolution. La jeune Lilya attend déjà qu'on l'appelle pour lire ses poèmes sur scène, à la radio ou à la télévision. «les conseils de poètes sont également les bienvenus», nous dit-elle. L'Algérie a déjà connu des non-voyants ayant prouvé leurs dons d'artistes, notamment le grand compositeur et chef d'orchestre Moatti Bachir, le virtuose de la guitare Moh Sghir Aouali et les chanteuses Saliha et Naïma. nous sommes sûrs que Lilya Laraf sera célèbre dans quelques années.