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El Hachemi Assad, secrétaire général du Haut Commissariat à l'amazighité : «Une révision des textes juridiques régissant les fêtes nationales doit se faire»
Le Temps d'Algérie : Yennayer, plutôt fête sociale ou culturelle ? C'est les deux à la fois. Yennayer est un repère identitaire commun à tous les Algériens. La tradition de Yennayer est célébrée chez plusieurs familles algériennes, à travers tout le territoire national. Elle est aussi célébrée au niveau des espaces publics, grâce notamment à l'effort de sensibilisation et de réhabilitation entamé par notre institution (HCA) depuis 1999. Des associations culturelles contribuent également à valoriser ce socle commun, à mettre en exergue cette référence historique qui doit être la fierté de tous les Algériens. Vous avez déclaré la nécessité de classer Yennayer dans la nomenclature du patrimoine culturel immatériel de l'Unesco, et avant cela, sa proclamation au rang de fête nationale, qu'en est-il de ces projets ? En effet, ce sont des idées que j'ai lancées. La piste du classement de Yennayer, patrimoine national, au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco, est une piste qu'il faudrait mûrir. C'est un travail exhaustif à réaliser avec les partenaires concernés. Des anthropologues du Centre de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH) et le Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc) d'Oran. Ainsi que les prérogatives de deux ministères, à savoir celui de la Culture et de l'Education nationale avec lesquels on est en discussion. A ce sujet, une réunion s'est tenue récemment, fin 2015, lors de laquelle nous avons pris contact avec la Commission nationale de l'Unesco. En février, le HCA organisera un symposium autour du projet «Plaidoyer pour le classement de Yennayer au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco». Il se tiendra à Oran en présence d'un panel d'experts, de spécialistes dans le domaine de l'anthropologie pour élaborer un dossier scientifique sur Yennayer. Il faut souligner aussi que le HCA dispose d'une banque de données rassemblant tout ce qui est image, son, littérature sur la manière de célébrer Yennayer à travers tout le territoire national. Une fois le dossier validé, nos partenaires entreront en jeu car c'est un processus de classement national tout d'abord, qui se fera via les ministères de la Culture et de l'Education, puis celui des Affaires étrangères et par la suite, auprès de l'Unesco. Une révision des textes juridiques de 1963 régissant les fêtes nationales doit se faire. La société algérienne n'est pas statique. Elle a évolué. Alors qu'on arrête de parler d'une nomenclature fixe. Intégrer Yennayer comme fête nationale, et au patrimoine immatériel de l'Unesco, ne fera que renforcer l'unité nationale. Tamazight a été promue langue officielle dans l'avant-projet de la révision de la Constitution qui sera présenté prochainement au Parlement. Concrètement, que signifie cette promotion ? Je salue cette orientation. C'est une grande avancée, un acquis historique qui consolidera l'unité nationale. L'officialisation de la langue amazighe signifie aussi que l'Etat algérien dégagera davantage de moyens pour son enseignement. Il mettra les instruments constitutionnels d'accompagnement de cet acquis. De notre côté, nous avons noté dans l'avant-projet de la révision de la Constitution, la création d'une académie de langue amazighe. Sous l'égide du HCA, elle sera une instance d'accompagnement, le prolongement du HCA. C'est aussi un projet que nous avions annoncé en 2007 et réintroduit en décembre 2015. Le contenu de cette académie et son fonctionnement doit répondre à un besoin urgent, celui de l'aménagement et de la prise en charge de la problématique de tamazight, la standardisation de cette langue, car on est face à une richesse variable, qu'on pense être en mesure de prendre en charge dans un cadre universitaire. Les compétences ne manquent pas. C'est le mérite de l'Algérie de former ses propres «berbérisants». Le premier département langue et culture amazighes a ouvert ses portes en 1990 à l'université de Tizi Ouzou, puis par la suite à Béjaïa, Bouira et dernièrement à Batna. Nous avons de bons résultats. Le principe de créer une académie de langue amazighe, qui fonctionne sur la base de textes réglementaires et urgent. Il se fera juste après l'adoption de la Constitution. L'enseignement de tamazight ne va plus être facultatif. Pour célébrer Yennayer 2966, le HCA a collaboré avec trois ministères, celui de la Culture, de l'Education nationale et de la Solidarité et de la condition de la femme, que va apporter cette collaboration ? C'est la valeur ajoutée à ce programme, le rayonnement à travers le territoire national. On vit pour la première fois un Yennayer célébré au niveau de l'ensemble des établissements culturels et scolaires. C'est déjà un acquis. Des cours sur Yennayer seront donnés cet après-midi dans les établissements scolaires. Vont-ils se faire en tamazight ? Si oui, dans quelle variante ? Cela entre dans le cadre de notre partenariat avec le ministère de l'Education nationale. Le cours concernera les trois cycles de l'éducation (primaire, moyen et secondaire) et portera sur les dimensions, historique, socio-économique, culturelle, scientifique et environnementale de l'an amazigh. C'est un cours symbolique qui sera spécialement donné à cette occasion, en arabe ou en tamazight, ça sera selon les régions. Récemment, des «campagnes de sensibilisation» ont été menées par des salafistes, condamnant la célébration de Yennayer. Que dites-vous à ceux qui s'opposent à la célébration du nouvel an berbère ? Je pense qu'ils sont hors circuit. Ce processus de reconnaissance est inévitable. Yennayer n'est pas en contradiction avec la foi et la religion. C'est un socle commun à tous les Algériens. Ce n'est à pas une pratique païenne si c'est «l'argumentaire» de cette opposition. Je pense que cette agitation n'a pas de sens. Yennayer est un repère historique attesté par des historiens et c'est un message fort que d'inculquer cette fierté d'appartenir à une civilisation qui remonte à la nuit des temps. On doit assumer cette pluralité, cette histoire, cette amazighité, notre islamité et arabité. Je pense que c'est un processus qui consolidera l'union des Algériens. Venons à la question qui fâche. Le HCA est orphelin de président depuis le décès de Mohamed Idir Aït Amrane en 2004. Est-ce normal qu'une telle institution ne possède pas de président ? Pourquoi et jusqu'à quand cela va-t-il durer ? Ce n'est pas une question qui fâche. On ne fait pas une fixation sur les attributions qui sont définies. Loin de la surenchère politique, ceux qui composent l'actuelle équipe du HCA, sont de profils universitaires, des personnes instruites, motivées pour servir l'amazighité dans un cadre institutionnel. On a fait la démonstration que cette équipe peut donner plus de visibilité au travail institutionnel et peut impliquer davantage de partenaires. On n'est pas handicapé par rapport à une institution sans président. On est encadré par la tutelle est rattaché à la présidence à travers les départements ministériels. Entretien réalisé par