Le Temps d'Algérie : Que vous inspire l'avant-projet de révision de la Constitution dévoilé la semaine dernière ? Abdesselam Ali-Rachedi : L'Algérie n'est pas un Etat de droit. La Constitution et les lois sont constamment violées par ceux qui nous dirigent malgré nous. Plus que jamais, le changement s'impose pour restituer au peuple sa souveraineté spoliée. Ce n'est qu'après l'instauration d'un nouvel ordre politique que la question de la Constitution sera à l'ordre du jour, idéalement par la voie d'une assemblée constituante souveraine. Le changement longtemps espéré par la classe politique n'aura donc pas lieu ? Ce qu'il faut à notre pays, c'est un véritable changement de paradigme qui pourrait se résumer en une sortie du national-populisme au profit d'une conception fondée sur l'individu-sujet, les droits de la personne humaine et la rationalité économique. Encore une fois, seul un nouvel ordre politique pourrait apporter du nouveau. Vous avez plusieurs fois, dans vos interventions, mis en garde contre les dérives que pourrait provoquer le statu quo. Comment se présente la situation actuellement ? Il est clair aujourd'hui que la poursuite du statu quo par le pouvoir en place et le refus de tout changement pacifique et ordonné ne laissent pas d'autre issue que le changement par la rue, avec tous les risques et incertitudes inhérents à un tel scénario. On ne se pose même plus la question de savoir si oui ou non le soulèvement aura bien lieu, mais seulement quand il se produira... L'impasse budgétaire va conduire très rapidement à une situation dramatique, en dépit des gesticulations du gouvernement pour tenter de la réduire. Après avoir épuisé les disponibilités du FRR, le pouvoir n'aura pas d'autre choix que d'imposer une austérité très sévère, y compris à l'égard des classes moyennes. Pour mesurer l'ampleur du désastre qui nous attend, il faut savoir que les mesures fiscales nouvelles de la LF2016 ne rapporteront au mieux que 100 milliards DA de plus, alors que le déficit prévisionnel est de 2000 milliards DA. Dans ces conditions, les disponibilités du FRR seront épuisées fin 2016, début 2017. Il faudra alors tailler dans les dépenses de fonctionnement, le risque étant qu'il n'y aura pas assez d'argent pour payer les retraites et les salaires des fonctionnaires. Des licenciements par centaines de milliers deviendraient nécessaires et ce, au moment où, du fait de la dépréciation inévitable du dinar, l'inflation galopante réduirait à presque rien le pouvoir d'achat de la majorité de la population.