Ceux qui avertissaient, il y a quelques mois, des risques d'embrasement social n'ont pas totalement eu tort. L'année 2016 commence en effet sous d'inquiétants auspices. Des mouvements de protestation, virant parfois à l'émeute, sont enregistrés dans plusieurs régions du pays. Même si leur portée est loin d'égaler celles du début de l'année 2011, communément appelés «les évènements de l'huile et du sucre», les protestations de ce début 2016 rappellent que la stabilité sociale dont se targuent les dirigeants est précaire. Surtout que l'achat de la paix sociale n'est plus envisageable avec le déclin des ressources financières du pays. Cette année ne sera pas de tout repos ni pour les citoyens, ni pour le gouvernement dans un contexte économique délétère marqué par le recul drastique des prix des hydrocarbures et social inquiétant en raison de la dégradation du pouvoir d'achat des ménages. La mise en application des dispositions de la loi de finances pour l'exercice en cours commence à produire des effets sur le terrain. Dans ce qui semble être «une course effrénée» à l'augmentation tous azimuts des prix de tous les produits de large consommation, il y a quelquechose de préjudiciable dans le quotidien des citoyens. Dès le 1er janvier, certains transporteurs de voyageurs ont augmenté les tarifs en raison de la hausse des prix du carburant. Résultat : dans certaines régions du pays, des usagers, exaspérés, ont exprimé leur colère dans la rue. A Frikat, au sud de Tizi-Ouzou, des citoyens ont bloqué les routes pour dénoncer cette augmentation «soudaine et sans aucun préavis». A Annaba, deux manifestations ont déjà eu lieu contre la loi de finances 2016 dont certaines mesures sont qualifiées de «catastrophiques» par beaucoup d'acteurs politiques. Dans la daïra de Tigzirt, au nord de Tizi Ouzou, des centaines de citoyens ont marché contre la cherté de la vie ce 17 janvier. Les protestataires ont dénoncé la hausse des prix des produits de large consommation. «Non à la vie chère !» «Non à la vie chère», «Non à la flambée des prix et à l'absence des autorités», «Non à la répression comme réponse aux angoisses des populations», «En avant pour des luttes massives et fructueuses» ont été parmi les slogans lancés par les manifestants. A Oued El-Ma, dans la wilaya de Batna, l'embrasement est général. La population proteste depuis quelques jours contre la délocalisation d'un projet affecté à la localité. Des affrontements violents ont opposé les manifestants aux forces de l'ordre qui ont interpellé des dizaines de protestataires. Sétif n'échappe pas à cette «mèche» qui a pris. La région des Ath Ourtilane s'est révoltée pour demander l'amélioration du cadre de vie. A Laghouat aussi, les habitants de Hassi Delaâ ont investi la rue pour dénoncer la «hogra» des pouvoirs publics. Dans une conjoncture politique incertaine, la grogne sociale a toutes les chances de prendre de l'ampleur. Surtout que d'autres mouvements de protestation se profilent à l'horizon. La contestation de la loi de finances 2016, une des lois les plus controversées et contestées depuis le début de la prise de pouvoir par Bouteflika se matérialise sur le terrain. Après les rassemblements d'Annaba, d'autres manifestations sont prévues. Le syndicat autonome Snapap compte descendre dans l'arène de la protesta dès aujourd'hui à travers une marche dans la ville de Béjaïa. D'autres actions de même nature et pour les mêmes revendications seront organisées dans les autres régions du pays. A cela, il faut ajouter les menaces de grève proférées par plusieurs corporations comme les transporteurs de voyageurs qui demandent la hausse des tarifs du transport et les gérants des stations-services qui réclament la hausse de la marge bénéficiaire considérée insignifiante actuellement. Les observateurs voient en ces mouvements un signe d'inquiétude et le pouvoir ne cache pas son appréhension quant aux impacts et conséquences de la loi de finances 2016. Avec la perte de plus de 50% des recettes issues de l'exportation des hydrocarbures, les déficits de la balance commerciale, l'amenuisement des réserves de change, le pouvoir n'a plus de quoi acheter la paix sociale. Ce contexte explosif soulève des craintes légitimes aussi bien du côté du peuple que du pouvoir.