«Tu ne sais pas à qui tu as affaire, tu risques ta place…» C'est en ces termes qu'un sénateur nouvellement élu s'est adressé au responsable de la Conservation des forêts de la ville frontalière de Maghnia qui a apposé «un avis défavorable» pour la régularisation de sa construction. Cette dernière a été érigée illicitement dans la forêt située à l'entrée de la route menant à la station thermale de Chiguer. La menace de l'heureux élu était à prendre au sérieux. Une semaine après, le subdivisionnaire de la conservation des forêts de Maghnia a été démis de ses fonctions pour avoir osé «défier la maffia du foncier». Le malheureux cadre des forêts n'a pas pour autant baissé les bras et continue de livrer une bataille sans merci au «cartel du foncier» que nul ne semble arrêter. Il nous a fait part des artifices dont cette maffia use pour détourner les espaces boisés relevant du patrimoine forestier. Conformément à la loi, la Conservation des forêts loue par bail pour une période de trois ans des espaces forestiers à des riverains ou des agriculteurs désirant investir dans l'apiculture ou l'arboriculture. Ce sont des espaces nus qui sont concédés par la suite au prix fort à la maffia du foncier qui les transforme en lotissements illicites avec le concours, dira notre interlocuteur, «de plusieurs complicités à tous les niveaux». Les exemples des sites de Lalla Aïcha, du Château, d'El Hamri, d'Ibn Sina, d'Ouled Bendamou et de la route de Chiguer témoignent de l'ampleur de ce trafic à ciel ouvert et du ravage causé au patrimoine forestier. Des arbres coupés ont cédé la place à des habitations illicites, à des parcs d'engins de travaux publics et à des entrepôts plus ou moins «douteux», de l'avis de notre interlocuteur. Et de nous préciser que «cette maffia est aussi derrière de nombreux feux de forêt. Cela a été le cas à la forêt de Maâziz qui s'est transformée après en un site de lotissement illicite». A ce jour, la petite pinède longeant la route menant à la station thermale de Chiguer est en proie au béton. Un nouveau lotissement illicite a vu le jour. Ni les services de l'APC, ni ceux de la police de l'urbanisme ne sont intervenus pour arrêter cet énième «massacre à la tronçonneuse». La subdivision des forêts se dit «impuissante», car «n'ayant pas les prérogatives juridiques pour démolir les habitations illicites». Le subdivisionnaire des forêts vient de payer les frais de son engagement à protéger le patrimoine forestier. Le cartel du foncier continue en toute impunité à dilapider le patrimoine forestier et à détourner les terres agricoles. Qui arrêtera donc la mafia du foncier à Maghnia ?