Le ministère de l'Intérieur vient d'annoncer la création d'une «délégation» à la sécurité routière. Placée sous l'autorité directe du Premier ministre, cette structure ressemble à s'y méprendre à beaucoup d'autres, celles qu'on crée généralement quand on ne sait plus quoi faire ou qu'on ne veut rien faire. Elle est à l'image donc de ces «commissions» dont l'évocation fait toujours sourire au coin des lèvres. «Encore une qui ne servira à rien». La formule est consacrée. Les routes algériennes talonnent les champs de guerre au classement très peu glorieux du nombre de morts. Chaque jour est une nouvelle hécatombe, le pays est parmi les «premiers» de la classe mondiale qui font le plus de drames humains sur le bitume et prendre aujourd'hui le volant relève quasiment de l'inconscience tellement le niveau de risques sur la vie d'un automobiliste est élevé. Dire que nos routes sont dangereuses relève depuis longtemps du pléonasme. Les raisons ? Il ne faut surtout pas aller les chercher très loin : elles ne sont pas protégées. Des fous furieux, des mauvais chauffeurs ordinaires, de la mauvaise ferraille usée, des routes du gré à gré, de l'abus d'autorité, de tous les périls connus et des autres, «spécifiques». Face à ces «tirs nourris» qui viennent de toutes parts, la riposte a été trop mince et c'est le moins qu'on puisse dire. A commencer par «ces êtres venus d'ailleurs» pour faire joujou avec la mort. La leur et celles des autres. Pour la leur, d'aucuns diront que c'est leur problème, même s'il est toujours bête de mourir de manière si… bête. Si tant est qu'il y a une manière intelligente de perdre la vie ou de s'installer dans le handicap pour le restant de ses jours. Au volant de bolides venus d'une technologie du futur et parfois avec des montures plus modestes, ils sèment la terreur sur les routes. A une vitesse diabolique, ils foncent sans retenue. Ils ont une seule pédale au pied, l'accélérateur. Ou plutôt trois accélérateurs. Ils ignorent le code de la route et quand quelqu'un en parle, eux, en rigolent. Enfin, ils en rigolent quand ils ne réagissent pas autrement. Souvent avec dédain, parfois avec violence. La bande d'arrêt d'urgence ? A leur décharge, d'autres, moins dangereux dans la conduite et moins vindicatifs, l'empruntent aussi. Normal. Pour quasiment tout le monde, elle est devenue une quatrième voie. Les feux de signalisation ? Ils n'en ont pas. La route est à eux et c'est aux autres de se débrouiller pour ne pas se mettre sur leur passage, d'éviter leur trajectoire maléfique et leur courroux d'enfants gâtés en mal de sensations fortes. Des gâteries qui reviennent chères. Mais qui les empêchera de continuer à sévir ? Qu'est-ce qui pourrait atténuer les dégâts causés par les autres dangers ? Pas grand-chose. On ne dissuade pas, on «sensibilise» et, maintenant, on crée une délégation. On l'aura remarqué, dans «délégation», il y a «déléguer»… l'autorité à quelqu'un d'autre. Qui peut ignorer la loi et sa rigueur. Ça fait toujours sourire. Slimane Laouari Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.