«Par et pour l'absence. Le silence. La rupture. La séparation et la renaissance...» Voilà les premiers mots de Yamna Chadli Abdelkader en hommage au poète Malek Alloula, organisé samedi soir par les éditions Barzakh au Centre d'études Diocésain, les glycines à Alger. «S'il est de circonstance dans la tradition poétique d'offrir au poète disparu ce qu'on appelle un tombeau, on préfère un texte poétique en hommage au cher disparu qu'un berceau de sourires et de souvenirs heureux ici et maintenant en ce noble lieu pour saluer la présence de Malek qui, d'ailleurs, n'aimait guère l'académisme», a déclaré l'universitaire et auteur de nombreuses publications, en ouverture de cet hommage. Yamna Abdelkader est longuement revenue sur la personnalité et le travail élaboré du poète disparu. «Discrétion est le mot qui revient lorsqu'on l'évoque. Mais qu'est-ce, cette discrétion de Malek ? Une présence entière à l'autre et une absence totale d'indiscrétion. C'est un rapport subtil entre présence et absence», a souligné l'universitaire. Elle s'est ensuite arrêtée sur le regard de Malek Alloula. Un regard qui semblait ailleurs, précise-t-elle. Un regard qui l'a marquée dès sa première rencontre avec lui. «Il m'avait donné rendez-vous dans un café parisien. Il m'avait accordé un moment arraché au temps précieux des préparatifs de voyage puisque le lendemain, il partait pour Oran. Et j'avais été frappée par son regard. Il me semblait ailleurs et je fus surprise toutes les autres fois que je rencontrais Malek de retrouver encore une fois et à chaque fois ce regard d'ailleurs…», a raconté Yamna Abdelkader. Un regard de l'exil ou alors la captation d'un ailleurs, une absence, un trop plein de présence… s'est-elle interrogée. Elle l'a rappelé au public très nombreux et très silencieux durant cette rencontre. Un silence lourd d'une émotion que l'on entendait parfois s'exprimer par des soupirs ou des pleurs. Emotion. Voilà comment s'est présenté cet hommage à Malek Alloula. Beaucoup d'émotion déversée par ses amis venus le raconter et raconter ce qui les a liés pendant des dizaines d'années. Nadjet Khadda, l'universitaire et critique spécialiste entre autres des œuvres de Mohamed Dib et de Kateb Yacine, était parmi les intervenants à cette séance souvenir. Elle a parlé des liens familiaux des Alloula. De sa mère, personnage ancré au centre de la famille Alloula. Une femme qui a beaucoup compté dans la vie et le parcours du poète. Elle a aussi évoqué la blessure profonde qui a tout changé dans la vie de Malek Alloula. Une blessure qui trouve son origine dans l'attentat perpétré par la horde sauvage contre son frère, le dramaturge Abdelkader Alloula, en mars 1994. Malek Alloula ne s'en est jamais remis. Madame Khadda a rappelé le lien très fort qui unissait les deux frères. Elle a également raconté Malek par l'amitié qui les liait, elle et son mari disparu, le peintre Mohamed Khadda. Et puis les années fac où elle formait un trio avec Malek et Mohamed Ismail Abdoun, professeur à l'institut des langues étrangères. La poésie pour s'exprimer Abdoun Ismail était dans le public. Il ne pouvait s'empêcher chaque fois de commenter ou de renchérir le propos de Nadjet Khadda. Elle le menaçait chaque fois qu'il voulait donner plus de détails provoquant des rires et beaucoup d'émotion dans la bibliothèque du Diocésain. Mohamed Ismail Abdoun lui aussi a témoigné sur ses liens avec Malek Alloula. Il est revenu avec beaucoup d'humour sur des souvenirs de potes qui, si pendant la journée avaient un comportement exemplaire, n'hésitaient pas à se lâcher dès le début de la soirée. C'est ainsi que la célébration de la première année de la disparition du poète Malek Alloula s'est entre autres déroulée. Une célébration à la mesure de celui qui a choisi la poésie pour exprimer son être et sa raison d'être. Malek Alloula est peut-être mort mais son œuvre elle demeurera une référence dans le patrimoine littéraire et poétique algérien, ici et ailleurs.