Le ministre Russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, effectuera, le 29 février, une visite de travail à Alger, dans un contexte régional explosif marqué par la situation en Libye. La diplomatie russe, qui veut apparemment reconquérir son image d'antan, après avoir déserté la scène au profit des USA, après la fin de la Guerre froide, ne compte plus se contenter du rôle d'observateur. Après s'être imposée en Syrie avec son armée, brouillant les cartes des puissances occidentales, Moscou, qui livre désormais une «bataille froide» ouverte à Washington, veut garder un œil éveillé sur la région nord-africaine et du Sahel. La visite de Lavrov à Alger intervient, en effet, au lendemain de la visite du secrétaire d'Etat adjoint américain aux Affaires politiques, Thomas Shannon, qui a évoqué avec les responsables algériens la situation sécuritaire dans la région et la lutte contre le terrorisme. Alger, qui a critiqué, à demi-mot, le raid aérien américain d'un camp d'entraînement du groupe Daech en Libye, en estimant que la lutte contre le terrorisme en Libye doit se faire «dans le cadre de la légalité internationale et du respect de la souveraineté, de la sécurité et de la stabilité de ce pays», accueillera le 29 février un acteur mondial majeur qui a souvent dénoncé les dérives de la politique extérieure des USA. Quel est alors l'enjeu de cette visite et pourquoi maintenant ? La situation géographique de l'Algérie, dans une région à haut risque sécuritaire depuis le début de la guerre en Libye, fait d'elle une escale incontournable pour les puissances mondiales qui envoient, en défilé, leurs représentants à Alger. Aussi bien pour Washington que pour Paris, mais aussi pour Moscou, Alger prend les allures d'un allié stratégique, même si pour le moment, elle n'a pas cédé aux chants des sirènes qui l'invitent à intervenir militairement en Libye et au Sahel. Pour Moscou, notamment, Alger, qui partage beaucoup de positions avec elle, est un élément clé. «Les Russes veulent sans doute être certains qu'Alger est sur la même longueur d'onde qu'eux, surtout après la visite du secrétaire américain adjoint et d'autres personnalités du Golfe juste avant», soutient Djallil Lounnas, professeur des relations internationales, qui prévoit des opérations militaires en Libye. Moscou ne veut certainement pas être hors jeu. Selon certains observateurs, après son intervention en Syrie, la Russie pourrait intervenir également en Libye où la situation échappe à tout contrôle. Contexte sécuritaire tendu en Libye Contacté par nos soins, le professeur en relations internationales ajoute que dans la mesure où Alger et Moscou sont deux partenaires stratégiques (les récents contrats d'armes montrent l'importance de ces relations), «une rencontre en haut lieu était donc nécessaire dans ce contexte entre les responsables des deux pays». Au contexte sécuritaire tendu en Libye où ni un scénario de guerre totale, surtout avec l'expansion de Daech, n'est écarté, ni une évolution sur le plan politique (avec une éventuelle formation d'un gouvernement d'union nationale), Djallil Lounnas ajoute le contexte de la crise énergétique dans lequel intervient la visite du chef de la diplomatie russe. La visite de Lavrov à Alger intervient, en effet, au moment où la crise des prix du pétrole est loin d'être dépassée. Les récentes évolutions entre l'Arabie saoudite et Moscou sur ce sujet constituent un brin d'espoir pour l'Algérie dont l'économie est essentiellement basée sur le prix du baril. L'Arabie saoudite, la Russie, le Venezuela et le Qatar ont annoncé, il y a une semaine, un accord pour limiter leur production de pétrole dans l'espoir de voir les prix de l'or noir repartir à la hausse. Pour le moment, l'accord n'est pas suivi d'effets, mais malgré le pessimisme des experts, l'espoir est toujours permis.