Le vice-président du CGN, Saleh al-Makhzoum, le Premier ministre, Fayez al-Sarraj et le chef du Parlement de Tobrouk... Ce n'est pas encore la joie! Si tout le monde se dit enclin à soutenir la thèse algérienne d'une solution pacifique qui passe par le dialogue inclusif auquel a grandement contribué notre diplomatie, l'hypothèse de plus en plus ouvertement exprimée d'une intervention militaire est devenue depuis quelques jours puissamment envisagée... Après le secrétaire d'Etat adjoint américain, chargé des affaires politiques, Thomas Shannon, voilà que le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, sera à son tour en Algérie, lundi prochain, pour des entretiens approfondis sur le dossier libyen, entre autres. Partie incontournable et capitale stratégique dans l'examen des grands dossiers internationaux, en particulier ceux qui concernent la région méditerranéenne et le Proche Orient, l'Algérie est une destination qui compte eu égard à sa diplomatie fondée sur la recherche de la paix et le recours au dialogue dans la gestion des différends quels qu'ils soient. Depuis l'indépendance, ce dogme a conféré à notre pays une dimension et un rôle salué par la communauté internationale qui multiplie les concertations, ces temps derniers, face au double problème de la situation en Syrie et en Libye avec le corollaire d'une menace terroriste dont l'Algérie a expérimenté les effets douloureux et les conséquences néfastes, en tirant une expérience que beaucoup entendent mettre à profit. Sans être directement impliquée dans les conflits actuels au Maghreb et au Moyen-Orient, le pays n'en est pas moins un acteur essentiel compte tenu justement de ces données et il l'a prouvé à travers la médiation qui a permis de restaurer une paix certes relative et une réconciliation au Mali voisin. Les enjeux du Sahel sont directement impactés par le dossier libyen qui agite, de surcroît, les chancelleries d'Europe du Sud, en particulier l'Italie en pole position dans la gestion des migrants et le risque terroriste. Si tout le monde se dit enclin à soutenir la thèse algérienne d'une solution pacifique qui passe par le dialogue inclusif auquel a grandement contribué notre diplomatie, l'hypothèse de plus en plus ouvertement exprimée d'une intervention militaire est devenue depuis quelques jours puissamment envisagée par les Etats-Unis et certains pays européens. Même l'Italie qui a sans cesse affiché une grande prudence dans l'approche du défi libyen a imperceptiblement évolué pour dire aujourd'hui qu'elle serait prête à participer à une telle intervention, il est vrai tempérée par les récentes déclarations de Federica Mogherini,, la chef de la diplomatie de l'Union européenne, qui l'a conditionnée à une demande explicite du gouvernement légitime d'union nationale en Libye. C'est dans un tel contexte que la visite de Sergueï Lavrov revêt toute son importance. La Russie aura été fort occupée depuis plus d'une année, sur le front syrien où elle a mis tout son poids pour contrecarrer les velléités des ennemis du président Bachar al Assad et garantir, en même temps, ses propres intérêts stratégiques et politiques dans la région. Cela étant, Moscou entend garder un oeil attentif en Libye où sa diplomatie avait été flouée en 2011 quand elle a laissé passer la résolution du Conseil de sécurité de l'Onu qui permit à l'Otan d'engager une offensive arbitraire contre le régime de Mouammar El Gueddafi. Une semaine après le sous-secrétaire d'Etat américain, Lavrov aura donc des entretiens de haut niveau avec les responsables algériens dont le point de vue sera édifiant pour une solution politique avalisée par l'ensemble de la communauté internationale en Libye, un pays qui peut compter sur l'échiquier russe en Méditerranée. Le risque d'un embrasement est suffisamment sérieux pour inciter Moscou à se pencher sur ce dossier, surtout que la menace terroriste de l'EI constitue un enjeu aussi important que nouveau pour la sous-région maghrébine et peut-être même la zone sahélienne dans son ensemble. Or, Algériens et Russes partagent une parfaite entente sur un grand nombre de questions internationales, notamment les dossiers syrien, libyen et celui du nucléaire iranien, sans compter les relations bilatérales exemplaires. Interlocuteur de poids autant que de circonstance pour les Russes comme pour lesAméricains, l'Algérie brode avec une diplomatie feutrée faite de pondération et de dialogue politique sa variante singulière. Elle a aujourd'hui un travail primordial à parachever avec l'adoption du gouvernement Fayez al Serraj par les deux grandes factions libyennes et son installation effective à Tripoli, une étape majeure dans l'oeuvre de longue haleine que sera la reconstruction du pays. En attendant, le Parlement de Tobrouk a dû reporter à la semaine prochaine le vote de confiance sur le gouvernement soutenu par l'Onu, faute de quorum (au moins 89 députés),, preuve que le chemin à parcourir risque d'être encore plein d'embûches.