Philipe Faucon avait peine à croire vendredi soir que son film Fatima ait pu décrocher le césar du meilleur film de l'année. C'est en larmes, bégayant, qu'il a remercié l'académie française des Césars mais aussi et surtout ses actrices, à commencer par Fatima (Soria Zeroual), Nesrine (Zina Hanrot) et Souad (Kenza Noah Aïche). «Je sais que si je suis là maintenant, c'est grâce aux trois magnifiques interprètes de Fatima. vraiment merci» a confié Phillipe Faucon. Autant dire les femmes de sa vie puisqu'elles ont contribué d'une façon déterminante à la récompense du réalisateur. Ces femmes, de parfaites anonymes, n'ont pas seulement transpercé l'écran, elles ont donné la parole à toutes ces femmes opprimées par un destin qui s'est imposé à elles. Celui de Fatima est de passer la serpillère et de travailler jusqu'à ce que son âme et son cœur hurlent de douleur. Fatima, c'est d'abord l'histoire d'une adaptation littéraire au cinéma. L'adaptation de Prière à la lune de l'auteur Fatima Elayoubi. Prière à la lune est une suite de poèmes, de pensées et de fragments d'états d'âme étalés quotidiennement par une femme de ménage, Fatima Elayoubi. Une femme qui a débarqué en France pour suivre un mari qui finira malgré tout par la laisser tomber. Seulement voilà, ne sachant ni lire encore moins écrire en français, elle se retrouve à faire des ménages. Beaucoup de ménages pour la survie de ses deux filles. Femme courage Femme de l'immigration. Femme déracinée. Femme déconsidérée. Femme de tous les maux et des maux d'une société qui les a toujours recrachés. Voilà la trame du scénario de Phillipe Faucon. Un film puissant puisqu'il donne enfin la parole à des femmes dont on ne voyait habituellement que la progéniture braver les agents de police dans une banlieue française à feu et à sang. Soria Zeroual (Fatima) est totalement inconnue de l'affiche française. C'est une parfaite anonyme que Phillipe faucon est allé chercher à Givors. Une inconnue qui a crevé le grand écran à coups de persévérance, de patience et de pugnacité. Seule, Fatima s'est accrochée à ses filles. Son bonheur et sa vie entière tournaient autour de leur réussite. Nesrine (Zina Hanrot) a fait honneur à sa mère qui a dû multiplier les boulots. Elle a baissé les yeux lorsque celle-ci a dû vendre le peu d'or qu'elle possédait afin qu'elle puisse s'inscrire en fac de médecine. Fatima, elle, ne les a pas baissés quand sa patronne se plaignait que son fils gâté n'arrêtait pas de redoubler malgré les moyens qu'elle a mis à sa disposition. Non, Fatima était fière de dire qu'elle aussi aidait sa fille. Elle l'aidait d'une manière différente peut -être, mais elle contribuait quotidiennement à ce que sa fille ne baisse pas les bras, notamment face à la jalousie des voisines ou tout simplement face à la dureté de la vie qu'elles menaient toutes les trois. Souad, elle, son rôle s'est matérialisé dans la colère et la haine de la société française. Elle a représenté la 3e génération de ces enfants d'émigrés qui ont refusé la précarité dans laquelle vivaient leurs aînés. Mais le plus troublant dans tout ce scenario est qu'aucun de ces trois personnages principaux ne parlait la même langue. Fatima s'exprimait et écrivait en arabe. Son aînée avait un bon français, alors que Souad, la petite dernière, à qui son père - interprété par le chroniqueur Chawki Amari - ne pouvait rien refuser, avait plutôt le langage léger. D'ailleurs, l'adolescente a fait preuve de violence verbale très souvent à l'égard de sa mère.