Il y a 22 ans, Abdelkader Alloula était assassiné par les terroristes du GIA. L'homme est parti mais son œuvre est toujours vivante. Les enfants atteints de cancer gardent en mémoire l'image de cet homme qui leur rendait régulièrement visite pour leur offrir son beau sourire, ses belles paroles et ses cadeaux. Ses voisins d'Oran et tous les artistes qui l'ont côtoyé n'oublient pas cet homme qui a continué à monter des pièces de théâtre alors que la mort le guettait à tout moment. Ceux qui l'ont vu sur scène pensent toujours à cet homme de théâtre qui a su mettre à la page le théâtre algérien qui se jouait dans les places publiques tout en sachant user de la vraie langue du théâtre. Lui, c'est Abdelkader Alloula que les sanguinaires du GIA ont choisi comme cible, le 10 mars 1994 à 21h, 27e jour du Ramadhan alors qu'il sortait de chez lui pour se rendre au palais de la culture à Oran où il devait donner une conférence sur son expérience dans le théâtre. Quatre jours après, il est mort à l'hôpital du Val-de-Grâce à Paris. Comédien, metteur en scène, auteur et adaptateur, Alloula était parmi ces hommes qui pouvaient et voulaient apporter quelque chose au théâtre en mettant leur touche. Il a mis à profit ses expériences et celles de ceux qui l'ont précédé tels que Abderrahmane Kaki pour donner une nouvelle vie au théâtre algérien. Alors qu'il a fait partie pour la première fois d'une troupe de théâtre amateur en 1956, en 1962, il se retrouve à Alger aux côtés de Mustapha Kateb dans la troupe du Théâtre national algérien (TNA) en tant que comédien. A l'opéra d'Alger, il fera partie d'une équipe exceptionnelle avec notamment les metteurs en scène Mustapha Kateb, Allal El Mouhib et Hadj Omar. Il vivra avec eux les années d'or du théâtre algérien. L'occasion lui est alors donnée, quelques années après, pour se mettre à la mise en scène. En 1969, il écrit et met en scène sa véritable première pièce Laâlag (Les sangsues). En 1972, il se retrouve à la tête du Théâtre régional d'Oran (TRO) avant d'être nommé directeur du TNA en 1976. Dès son retour à Alger, il fera un travail colossal pour faire sortir le TNA de certains problèmes notamment financiers dont il souffrait. Il arrivera même à augmenter le salaire des travailleurs. Son dynamisme et ses idées mèneront la tutelle de l'époque à mettre fin à ses fonctions quelques mois plus tard. L'homme de théâtre qui n'arrive pas à concrétiser ses rêves passera même une période de chômage avant de retourner au Théâtre d'Oran. Le vrai théâtre On est au début des années 1980 et l'occasion lui est donnée pour se consacrer à fond au 4e Art et montrer son savoir-faire en donnant naissance à des pièces qui resteront dans l'histoire. Legouel, Ledjoued et Ellithem, trois pièces, trois expériences, trois succès. Alloula est désormais partout et les Algériens revoient le véritable théâtre dans lequel ils se retrouvent. Il faut rappeler que Alloula est l'homme qui, dans l'écriture, le jeu ou la mise en scène aimait tenter des expériences. C'est ainsi qu'il avait joué Le journal d'un fou de Gogol. Seul sur scène, Alloula n'avait pas peur de créer chaque soir qu'il se retrouvait face au public. Ce public qui le pleurera le 14 mars 1994, lorsqu'il le quitta pour toujours car des criminels qui ne supportaient pas de voir les belles choses ont décidé de le tuer.