Elle est belle. Elle est talentueuse. Elle chante. Elle est comédienne. Elle a aussi beaucoup de principes et des limites incontournables. Il est question de Salima Abada, une femme qui a choisi la musique pour s'exprimer et le cinéma pour s'accomplir. Son parcours, elle le raconte dans cet entretien. Le Temps d'Algérie : De la chanson au cinéma, est-ce qu'il est facile pour une femme, en particulier en Algérie, d'exercer ces métiers ? Salima Abada : Bien sûr que non ! Ce n'est guère facile vis-à-vis de la famille, de la société, … C'est une réalité. Personnellement, ma famille me soutient, et j'espère que c'est le cas pour les autres comédiennes. Après, pour être honnête, certains membres de ma famille, quand il me croisent, c'est à peine s'ils ne demandent pas si je suis folle. Ils ne prennent pas cela comme un métier. Ils ne me prennent pas au sérieux. Le plus important est que cela ne m'attriste pas. ça ne me gêne pas. En fait, ça me fait rire. Reste que le plus important pour moi c'est ma mère et mes sœurs. A chaque fois que je suis sur un projet artistique, que ce soit la musique ou le cinéma, ce sont les premières vers qui je me tourne pour demander leur avis.
Concrètement, comment ces contraintes se matérialisent-elles ? C'est à la limite du tabou. ça ne se matérialise pas. J'ai par exemple des cousins proches avec qui on ne parle jamais de ce que je fais ces temps-ci. Est-ce que tu es en train de tourner ? Sur quel projet tu es ? Parce que pour eux, ce n'est tout simplement pas sérieux. Ce que tu fais c'est du «tmesskhirt (c'est du n'importe quoi). Je ne m'arrête pas à ça. À un moment donné, des potes m'ont surnommé double six. Le double six dans le jeu de dominos, c'est la pièce que l'on ne doit pas avoir. Donc, si tu tombes dessus en fait, tu te retrouves dans l'embarras. Et tu feras tout pour t'en débarrasser. Mais ça ne me touche pas. Après il y a aussi des gens qui te disent «ah si tu es toujours célibataire, il ne faut pas te demander pourquoi». Parce que je chante.
Et concernant le milieu professionnel ? Personnellement, non. Bien au contraire. J'ai toujours été bien traitée sur les tournages. En fait, je n'ai pas assez de distance, assez de vécu pour dire que c'est un milieu pourri, oui, que la femme est marginalisée.
A ce propos, comment tout a commencé pour toi dans le cinéma ? Avec le réalisateur Yanis Koussim dans Khouya. Après, comme j'avais mon mémoire sur la musique, j'ai considéré que c'était un essai. C'est vrai que ça a marché et que c'était sympa et tout. Après, cela m'a posé un problème en tant que comédienne. J'ai joué dans un film et une fois que tu as fini les jours de tournage, c'est fini. Et là, tu te rends compte que ça ne t'appartient pas. Ce n'est pas pareil pour ma musique. La chanson, je l'écris, je l'interprète, je suis avec elle et elle m'appartient. Le film, non. Comme ce n'est pas le mien, j'ai eu cette difficulté à lâcher prise. Ensuite, je l'ai compris et ce n'est pas plus mal. Dans le sens où ce n'est pas ma responsabilité. La mienne est de faire ce qu'on me demande. De donner ce que j'ai à donner et le reste ne me concerne pas. C'est tout. Je me souviens que je demandais à Yanis Koussim si je pouvais assister au montage. Normalement, cela ne se fait pas. Il ne m'a pas laissée, bien sûr, et j'ai compris.
Qu'est-ce qui vous a amenée vers le cinéma ? C'est Yanis Koussim. Nous nous sommes rencontrés en 2008 dans le cadre d'un festival de court-métrage à Béchar. Je travaillais dans l'organisation de cet événement. J'organisais les galas et Yanis venait présenter un film. C'est là-bas qu'il m'a proposé de passer un casting. Je n'avais jamais fais ça. J'étais encore étudiante même si je chantais dans un groupe, «Les algériennes». Je trouve que Yanis a été méga intelligent pendant le casting. Il m'avait demandé de chanter l'une de mes chansons avec différentes humeurs. C'était sympa, je n'avais pas de textes à apprendre. J'ai été prise pour jouer dans Khouya (2010). Ensuite, il y a eu Terrasses de Merzak Allouache. Puis, une sitcom Hkayetkoum, qui est passée sur Chourouk Tv. En octobre dernier, j'ai tourné dans un long-métrage avec le réalisateur Yahia Mozahem, mais il n'est pas encore sorti. Et puis en ce moment avec Merzak Allouache mais je ne peux pas encore en parler.
Le cinéma pour vous, c'est quoi au juste ? Je ne pensais pas, mais c'est une grosse partie de moi. Je ne sais pas comment l'expliquer. Pour le moment, je ne me vois pas ne pas en faire. Dans dix ans et même avec des enfants, ça sera pareil. Je ne pensais pas aimer ça. Quand je ne dors que trois heures de sommeil pendant un tournage, même si je me lève fatiguée, je me lève heureuse. Hyper contente de faire ce que je fais.
Et quand vous vous voyez à l'écran ? Je n'aime pas. Je n'aime ni mon image à l'écran ni ma voix. Je sais que je peux toujours faire mieux. Après, il y a tel et tel kilo à perdre. A tel endroit ici, là-bas …. C'est quoi cette mimique ? Zut, faut enlever cela, ceci … D'ailleurs, la première fois où je me suis vue sur un écran, c'était dans khouya, je vous jure que «Tal'âtli skhana lerrass» (j'ai eu un coup de chaud). Et j'ai failli tomber dans les pommes. C'était violent et j'ai dû m'asseoir. Mais bon, Yanis m'a rassurée en me disant que même Nicole Kidman ne s'aimait pas toujours dans ses rôles. En fait, là , je m'oblige à me regarder pour me corriger.
Vous vivez de la musique ou du cinéma ? Ni l'un, ni l'autre. On se retrouve à bosser à droite et gauche sur des événements pour l'alimentaire.
Est-ce que vous avez bénéficié du statut de l'artiste ? Non. C'est de ma faute parce que je ne suis pas partie déposer le dossier. Ensuite, on m'a dit concernant la carte Chiffa, ils n'ont pas encore débloqué et que ça ne servait à rien. Entretien réalisé